Depuis un demi-siècle, les centres de gravité et de décision des affaires mondiales se sont déplacés : les deux grandes puissances nucléaires (États-Unis et URSS) imposent aux autres, et particulièrement aux peuples européens, leurs concepts stratégiques, leur antagonisme, leur complicité, leur expansionnisme. Mais la circonstance qu'elles prétendent seules assumer les responsabilités majeures ne saurait interdire aux États d'Europe occidentale, et notamment à la France, une réflexion originale sur le thème de leur Défense. Ces quelques pages tendent à y contribuer. Tel est le but que s'est fixé l'auteur.
Pour une nouvelle approche du concept de défense
Pourquoi le discours sur la défense de l’Occident paraît-il aussi irréaliste ? Parce qu’il répond à une situation nouvelle suivant des thèmes et par des moyens périmés : les sociétés occidentales sont en effet devenues des sociétés post-industrielles, d’une extrême vulnérabilité. Sans prétendre présenter un tableau complet des caractéristiques de ce type de civilisation, il faut signaler celles qui ont des conséquences dans le domaine de la défense.
Les États modernes sont entraînés dans un immense et puissant mouvement de globalisation internationale. Fondement de leur progrès, la science est par définition sans nationalité, même lorsqu’elle est mise au service d’impératifs étatiques. Les techniques qu’elle fait naître rétrécissent l’espace et le temps, accélèrent la circulation des produits, des hommes, des idées, périment les anciennes délimitations juridiques et politiques ; l’aventure spatiale en est l’illustration la plus frappante. Dans ces sociétés, tous les secteurs de pointe, notamment militaires, doivent s’ouvrir à la compétition internationale : les productions, les marchés, l’information, les professions, les cultures. Les technologies avancées tendent à unifier toutes les activités économiques et culturelles supérieures, notamment par la circulation et la capitalisation de l’information au niveau mondial.
La société industrielle diversifie sans cesse ses aptitudes et ses produits dans tous les domaines. Aucun pays ne peut espérer répondre par ses seuls moyens à tous les besoins, affinés et urgents, de sa vie économique et culturelle. Chacun est poussé à valoriser et spécialiser ses activités propres, notamment grâce au développement de ses capacités d’organisation et d’innovation. Les échanges internationaux lui sont indispensables, de même que les disciplines internationales, dès lors que la nature n’a plus la force et le temps de corriger les excès dont l’homme se rend coupable.
Il reste 93 % de l'article à lire
Plan de l'article