Les tensions en mer Rouge ont un impact qui dépasse très largement le cadre régional. C’est bien une recomposition de la circulation maritime mondiale qui est en cours, mettant en exergue les vulnérabilités stratégiques des détroits et canaux. La maritimisation de l’économie mondiale oblige à une véritable réflexion sur les grands fleuves, redonnant de l’importance à l’Atlantique.
Tensions géopolitiques à Bab-el-Mandeb et Suez, et réorganisation de la circulation maritime mondiale
Geopolitical Tension in Bab-el-Mandeb and Suez: Global Maritime Traffic Alters Course
The impact of tension in the Red Sea extends far beyond the region’s boundaries. There is clearly an alteration of course of worldwide maritime traffic underway which is highlighting the strategic vulnerability of straits and canals. So dependent is the world economy on maritime trade that renewed consideration of major traffic flows has become essential, with greater importance given to the Atlantic.
L’économie mondiale est sous-tendue par d’intenses échanges commerciaux qui transitent, pour les huit dixièmes, par la voie maritime. À lui seul, le faisceau Asie-Europe – et vice versa – assure près de 40 % de ces approvisionnements en biens d’équipement, marchandises, énergie et matières premières, structurant le commerce international. Jalonné, pour le transport conteneurisé, par de nombreux terminaux de transbordement (hubs), cet axe vital se suivait sans interruption, jusqu’à il y a peu, depuis les ports asiatiques (chinois, coréens, japonais) jusqu’à ceux d’Europe méditerranéenne et du Nord-Ouest, via les détroits de Malacca et de Bab-el-Mandeb (« la porte des lamentations »), le canal de Suez, les détroits de Malte, de Sicile, de Gibraltar et du pas de Calais. Ces passages resserrés naturels et artificiels facilitent les liaisons directes entre les grandes flaques océaniques (1). Bon an mal an, quoique fermé pendant 8 ans de 1967 à 1975, le canal artificiel de Suez a fonctionné sans trop d’à-coups, malgré les convoitises, pendant les deux guerres mondiales, lors des multiples conflits israélo-arabes et du plus que séculaire conflit israélo-palestinien.
L’essor des échanges maritimes et en particulier la conteneurisation (2) ont été un vecteur essentiel de la mondialisation et de l’extension de chaînes de valeur globale. Ils ont, sans cesse, stimulé l’accroissement de la taille des réceptifs et des passages resserrés artificiels. En 2006, le canal de Suez a été agrandi et élargi afin de permettre le transit à de plus grands navires et d’accroître le nombre de traversées. Cependant malgré ces extensions coûteuses, le trafic n’a pas véritablement bondi ; certes, on assiste à une évolution haussière sur le trend 2006-2008 – 2020-2021, mais qui demeure assez peu tendue (figure 1), cette faible dynamique du nombre de navires étant cependant compensée par l’augmentation de leur taille.
FIGURE 1 : Trafic maritime quotidien (nombre de navires depuis 2019). a) Suez, b) Bab-el-Mandeb (Source : FMI/Oxford, UN Global Platform, PortWatch).
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