L’Armée de l’air et de l’Espace avait déjà une bonne connaissance de l’aire indo-pacifique avec la création en 1962 du Centre d’expérimentation du Pacifique (CEP). Avec la crise en Nouvelle-Calédonie, il a fallu projeter en urgence renforts et équipements. Le binôme A330 MRTT–A400M a démontré un saut qualitatif et quantitatif majeur pour nos armées.
Crise en Nouvelle-Calédonie : un pont aérien inédit pour l’Armée de l’air et de l’Espace
Crisis in New Caledonia: A Brand New Air Bridge for the French Air and Space Force
The French Air and Space Force gained much knowledge of the Indo-Pacific area with the creation of the Pacific Experimentation Centre (Centre d’expérimentation du Pacifique—CEP) in 1962. The crisis in New Caledonia has produced an urgent need to project reinforcements and equipment. The pairing of A330 MRTT and A400M aircraft marks a major qualitative and quantitative shift for our armed forces.
Entre les 13 et 28 mai 2024, les forces aériennes françaises ont fourni un effort inédit pour transporter des forces de sécurité et du fret de la métropole vers la Nouvelle-Calédonie. Alors qu’aucun avion civil n’était en mesure d’y atterrir, plusieurs appareils militaires se posaient chaque jour sur la Base aérienne 186 Nouméa–La Tontouta. Comme pour chaque pont aérien, cette manœuvre a posé de nombreux défis : sécurisation de la base à Nouméa et de ses voies d’accès, possibilité d’utiliser des bases relais, mise en œuvre d’une flotte de transport stratégique, ravitaillement des appareils en kérosène dans un contexte de pénurie. À ces constantes, s’ajoute bien entendu la distance exceptionnelle entre le hub de départ, Istres, et Nouméa, séparés par 17 000 km.
Quelles leçons pouvons-nous tirer à chaud de la manœuvre aérienne entre la métropole et la Nouvelle-Calédonie ? Tout d’abord, ce pont aérien s’inscrit dans une histoire particulière de la projection aérienne française vers les territoires du Pacifique, commencée lors de la montée en puissance de la composante nucléaire aéroportée. Il confirme ensuite un certain nombre d’enseignements issus de la riche expérience des aviateurs français dans le domaine du transport. Enfin, le couple A400M-A330 MRTT (Multi-Role Transport Tanker) apporte un certain nombre d’innovations qui semblent ouvrir une nouvelle ère pour la projection aérienne française.
Les contraintes géographiques des campagnes d’essais nucléaires, point de départ de la projection aérienne à long rayon d’action
Dans ses mémoires, le général Charles Ailleret, considéré comme l’un des pères de la bombe atomique française en tant que premier chef du commandement des Armes spéciales, écrit à propos du choix de l’implantation des centres d’expérimentation : « en bons Français que nous étions, et par conséquent ignorants de la géographie, nous pensions que de nombreux territoires s’y prêteraient. Au contraire, nous nous aperçûmes vite qu’il y avait très peu de régions susceptibles d’être retenues. Les îles Kerguelen par exemple, par ailleurs très lointaines, étaient en outre rédhibitoires à cause d’un vent de 20 à 30 m à la seconde soufflant à peu près en permanence. L’îlot de Clipperton totalement isolé au milieu du Pacifique était rigoureusement inutilisable, l’installation d’un simple terrain d’aviation y étant impossible. Il n’y avait que deux solutions : le Sahara et l’archipel des Tuamotu dans le Pacifique (1). » Alors que la distance de la métropole et l’absence de terrain d’aviation avaient tout d’abord conduit à écarter la Polynésie française, ce choix s’impose au moment où les Français ne sont plus en mesure de conduire leurs essais en Algérie.
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