Géopolitique de l’armement, Instrument et reflet des relations internationales
Géopolitique de l’armement, Instrument et reflet des relations internationales
Léo Péria-Peigné est chercheur au Centre des études de sécurité de l’Institut français des relations internationales (Ifri), au sein de l’Observatoire des conflits futurs. Il est diplômé de Sciences Po Lille, Géopolitique de l’armement est son premier ouvrage. Il a été stagiaire à la RDN en 2019.
Géopolitique de l’armement est un essai interrogeant d’abord la nature politique de l’armement. Il rappelle sa dynamique structurante tant pour les États que plus tard, pour la construction du multilatéralisme. En effet, si « les États font la guerre, la guerre fait aussi l’État » et les différentes ruptures technologiques ont façonné les territoires et l’issue des conflits. Le multilatéralisme s’est également construit dans ses tentatives de normalisation croissantes d’abord, de l’exportation d’armes puis, dans la limitation ou l’interdiction de certaines armes. L’arme atomique ou les mines antipersonnelles ont, par exemple, été considérées comme trop dangereuses ou incompatibles avec un ordre libéral des relations internationales.
L’ouvrage va ensuite dresser un panorama des principales industries d’armement dans le monde, partant des Bases industrielles et technologiques de défense (BITD) les plus complètes (États-Unis, Chine, Russie, Union européenne) jusqu’aux industries émergentes. La construction d’un réseau d’industries de défense couvrant l’ensemble du spectre de la conflictualité se forme entre volontés d’autonomies stratégiques et alignements aux différentes grandes puissances. Outre le degré d’alignement d’une politique étrangère, la construction d’une BITD nationale souveraine permet d’ajuster les spécificités techniques et technologiques au plus près des intérêts nationaux : perception de la menace, armées défensives ou corps expéditionnaires, liberté d’exportation, etc. À cet égard, l’autonomisation de l’industrie de défense turque ou les exemples indien ou coréen sont particulièrement prégnants.
Le cas français est abordé dans la volonté de construction d’une BITD européenne, puis succinctement, de façon plus spécifique. L’enjeu, comme à chaque fois, est de s’interroger sur ce que dit le choix des armées sur la culture stratégique et la perception de l’intérêt national. Les armées françaises se sont progressivement spécialisées dans des armes adaptées aux opérations extérieures, notamment en Afrique, légères et facilement projetables. Elles ont également préféré des véhicules pour la plupart non chenillés (sauf les chars Leclerc et autres segments lourds) plus efficaces dans le cadre d’un conflit asymétrique plutôt que de haute intensité.
La conclusion se concentre sur les derniers enjeux du domaine. L’auteur y développe l’importance des nouveaux champs de la conflictualité, notamment les câbles sous-marins et l’espace extra-atmosphérique. Il discute aussi le potentiel réellement disruptif des planeurs hypersoniques, des armes à énergie dirigée et des nouvelles technologies comme le quantique ou l’intelligence artificielle (IA).
Géopolitique de l’armement propose un point de rencontre aux praticiens et aux militaires, aussi bien qu’aux étudiants et aux néophytes. Il dresse à grands traits les enjeux d’un domaine, encore aujourd’hui mal connu. Le revers de cette médaille est qu’il tend à confondre géopolitique et relations internationales et ne s’ancre pas assez dans une discipline académique spécifique. On pourrait également se demander si la description commentée des derniers classements des industries de défense de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI) tout au long de l’ouvrage ne noie pas parfois les analyses pertinentes. ♦