La menace informationnelle, s’appuyant sur l’espace cyber est devenue une réalité majeure fragilisant de fait nos systèmes démocratiques. La désinformation, particulièrement russe, pèse au quotidien, nous obligeant à nous protéger plus efficacement. Un nouvel écosystème est en plein essor pour pouvoir doter la France des instruments lui permettant de répondre à ces attaques permanentes et ainsi de garantir un droit à une information fiable.
Lutte informationnelle : le défi de l’asymétrie
Information Warfare: The Challenge of Asymmetry
The threat posed by information transmitted through cyberspace has become a major issue that is now undermining our democratic systems. Disinformation, Russian in particular, is a daily burden which is driving us to protect ourselves more effectively. A new ecosystem is under rapid development in order to provide France with the instruments needed to respond to these continual attacks, and so to guarantee access to reliable information.
Dans un contexte de tensions internationales accrues, l’évolution fulgurante des nouvelles technologies et des moyens d’information redéfinit intégralement les contours d’un des champs traditionnels des conflits, patents comme latents : l’espace informationnel. Cette nouvelle donne met à mal la résilience de nos démocraties, qui peinent à anticiper ces attaques et à en endiguer les effets. Elles se retrouvent ainsi prises en étau dans un conflit asymétrique, opposant des valeurs démocratiques à des adversaires bien moins scrupuleux.
Pour faire face à ce danger qui, s’il n’a rien de nouveau, prend des proportions inédites, nos nations doivent dépasser leur posture défensive et observatrice, afin de protéger infrastructures, institutions et populations, tout en développant une stratégie d’influence et une capacité à se projeter. Pour cela, la mise en ordre de bataille des différentes forces qui composent nos États de droit est urgente ; mondes économique, médiatique, politique, étatique et académique doivent instamment collaborer au service de la démocratie.
Naissance d’un « complexe militaro-industriel de la désinformation »
Nos adversaires ont déjà relevé ce défi. Ils ont su créer une synergie entre leurs intérêts nationaux et ceux de leurs entreprises privées, en faisant collaborer ces différents mondes. Cette collaboration ne se limite pas à des actions isolées mais s’étend à des campagnes bien orchestrées de désinformation et de manipulation de l’opinion publique. Les chercheurs Maxime Audinet et Colin Gérard parlent ainsi d’une « sous-traitance de la désinformation », déjà effective en Russie il y a une décennie avec le projet Lakhta d’Evgueny Prigogine, qui a inondé médias et réseaux sociaux russes grâce à son « usine à trolls » de l’Internet Research Agency (1). Plus récemment et plus proche de nous, la campagne de Recent Reliable News (RRN), décryptée par différentes ONG et dont les effets touchant la France furent investigués par Viginum, en est un bon exemple (2). La campagne, qui a notamment fait usage de typosquattage, c’est-à-dire d’usurpation d’identité d’un site légitime en enregistrant un nom de domaine légèrement modifié, a été menée par deux sociétés privées, Struktura et ASP, certainement sur commande de l’État russe. Les populations touchées, notamment françaises, consommèrent ainsi des récits pro-russes et anti-ukrainiens à leur insu. En France, 20 Minutes, Le Monde, Le Parisien et Le Figaro furent « typosquattés », et au moins 58 articles inauthentiques furent relayés par ce biais.
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