Les moteurs de recherche sont indispensables sur Internet. Ils permettent l’accès à de nombreuses informations mais leur fonctionnement répond d’abord à des critères de rentabilité économique. Face au risque de manipulation, il est nécessaire de savoir maîtriser ces outils, d’autant plus que l’IA vient désormais amplifier le traitement des données. La lucidité s’impose pour en comprendre les limites.
Maîtriser le référencement des moteurs de recherche pour manipuler l’information
The Control of Search Engines in the Manipulation of Information
Search engines are essential to internet: they give access to vast amounts of information, but their operation depends above all on economic profitability criteria. Yet faced with the risk of manipulation we have to be able to control these tools—more so, given that AI is now increasing the amount of data handled: to understand the limits, greater clarity is needed.
La manipulation de l’information est une action délibérée et clandestine (1). L’objectif d’une opération de manipulation de l’information est de modifier le processus de réflexion et de décision de l’adversaire pour influer sur ses actions. Or, une réflexion est basée sur de l’information, qu’elle soit déjà connue de l’individu (savoir, croyance, expérience personnelle, idée originale, etc.) ou transmise depuis une source (un autre individu, un texte, un son, des médias, etc.). Pour influer sur le processus de réflexion il est alors pertinent de chercher à modifier les informations auxquelles la cible sera exposée pour qu’elle les prenne en compte dans sa réflexion et qu’elles affectent sa prise de décision. Si une source d’information jugée fiable par une cible est identifiée, il devient envisageable de modifier l’information diffusée par cette source. Ainsi, la cible recevra une information manipulée sans qu’elle ne s’en rende compte. Cela revient à usurper la réputation de la source d’information légitime au profit de l’information manipulée.
La mise en avant du média pro-russe Donbass Insider
Malgré l’émergence des réseaux sociaux, Google reste une source majeure d’information pour la population. Selon l’ARCOM (2), en 2024, les moteurs de recherche sont la troisième source d’information pour les Français après les chaînes de télévision et les stations de radio et de podcasts. 49 % de la population utilise un moteur de recherche pour accéder à de l’information de manière quotidienne et 65 % le fait de manière hebdomadaire. Les réseaux sociaux sont en quatrième position. Or, parmi les moteurs de recherche, Google représente 86,87 % des recherches en ligne (3).
En 2022, le collectif CrossOver a publié un rapport dans lequel il affirme que l’outil de saisie semi-automatique du moteur de recherche Google a promu un média pro-russe ciblant la population belge francophone (4). Cette situation a duré du 26 février au 2 août 2022 et concernait la mise en avance du site pro-russe Donbass Insider au lendemain de l’entrée des troupes russes en Ukraine, après la reconnaissance par la Russie de l’indépendance des républiques populaires de Donetsk et de Lougansk. Sur cette période, un internaute identifié comme connecté depuis le territoire belge et utilisant la langue française pour sa navigation Internet, qui décide de chercher « Donbass » dans Google, se verra proposer systématiquement de rechercher « Donbass Insider ». Or ce média n’est pas anodin. Fondé en 2016 par la Française Christelle Néant (5), ce site a comme ligne éditoriale de présenter les faits en lien avec le conflit russo-ukrainien selon le prisme russe, en accompagnant notamment des mercenaires français se battant du côté des indépendantistes. Christelle Néant a d’ailleurs été reçue à Moscou par le gouvernement russe en juillet 2019 (6) pour parler d’un projet de média pro-russe sur la guerre en Ukraine avec des journalistes internationaux. En mettant ainsi en avant le nom de ce média lors d’une recherche sur le Donbass, Google a de facto favorisé sa visibilité dans un contexte géopolitique tendu où l’État russe est reconnu par la communauté internationale comme commanditaire d’opérations de désinformation. Aucun élément ne permet d’affirmer que cette situation était le fait d’une volonté de Google. Les investigations du collectif CrossOver n’ont pas permis de déterminer l’origine de ces recommandations. Le site Donbass Insider devait sans doute répondre aux critères du moteur de recherche et a dû bénéficier d’un emballement algorithmique à un moment où le mot « Donbass » a fait l’objet d’une célébrité fulgurante. Seuls les propriétaires du site sont en mesure d’évaluer l’impact de ces recommandations sur l’audience.
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