Le renseignement est confronté désormais à la transformation numérique de l’environnement informationnel avec la croissance exponentielle des données à recevoir et à traiter. La difficulté porte sur la confrontation des méthodes d’analyse de masses gigantesques d’informations pour pouvoir apporter la réponse la plus pertinente. Cela reste une difficulté récurrente.
L’informationnel, au cœur des ambitions disciplinaires du renseignement - Origines, transferts théoriques et instabilités méthodologiques
Information: Central to the Aims of Intelligence
Intelligence today is confronted by computerisation of the information environment and an exponential growth in data that is received and must be analysed. The difficulty lies in deciding among different methods of analysis of vast quantities of information the ones which will offer the most relevant response: it is a recurring problem.
Souvent présenté comme une discipline constituée, le renseignement est confronté à la transformation numérique de l’environnement informationnel depuis les années 1990 (1). Ce phénomène met en lumière ses limites théoriques et méthodologiques. Aussi, les frontières des pratiques du renseignement ont grandement évolué. La domination de l’État apparaît aujourd’hui moins marquée, comme en témoigne la multiplication de concepts aux contours mal définis, utilisés au sein du monde de l’entreprise et tentant de décrire les évolutions des pratiques informationnelles dans les organisations.
Mettre en forme
Au fondement de l’informationnel, se trouve l’information. Informer, c’est mettre en forme. Au XIIIe siècle, la Somme Théologique de Saint Thomas d’Aquin forge l’étymologie latine de l’information, et de ses notions, informare, qui signifie la mise en forme d’un objet ou d’une idée (2). Les formes nominale, informatio, ou verbale, informare, sont ainsi utilisées dans cet usage de la philosophie scolastique. L’information ou informer, correspond ainsi non seulement à la mise en forme d’une idée, mais également de nos représentations. À l’origine, il n’existe pas de distinction claire entre information et désinformation. En cela, l’information demeure un tout-venant sans cotation (3), sans autre qualité que celle apportée par le sujet. Sous l’Ancien Régime, l’information est portée par la rumeur, la renommée, le bruit public (4).
Les premiers contenus scientifiques de l’information ne sont formulés qu’au cours du XIXe siècle. La psychologie expérimentale et le pragmatisme de William James (1842-1910) fournissent un terreau fertile pour nourrir la notion, dont l’effet principal décrit est de transformer son sujet. Nous devons ainsi à James la métaphore de la croissance des connaissances en taches d’huile, où chaque nouvelle information vient transformer le corps de connaissances du sujet, par un lent processus d’appropriation et de résistance (5). En sémiologie, Charles S. Peirce (1839-1914) introduit la dimension profondément langagière des effets de l’information, où il nous est impossible de penser et de transmettre sans signes. Le langage fournit les representamem, qui sont les médias permettant la communication du message porté par l’information (6). Le behaviorisme et l’analyse des signaux, ou stimuli, provoqués chez l’humain offrent un cadre empirique dans lequel l’information est à la fois outil et objet d’étude dans l’analyse et la prédiction comportementale.
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