Très intéressante étude (1) des rapports transatlantiques à partir de la défense européenne et de ses importants changements : rigueur logique, lucidité, intransigeance la caractérisent.
La défense européenne : rapports transatlantiques
Si un facteur dans l’actuelle dynamique de la défense européenne peut être qualifié d’« historique », c’est bien le tournant qu’amorça, pendant l’été 1998, le Royaume-Uni. Ce tournant conduisit directement au sommet franco-anglais de Saint-Malo de décembre 1998, puis enchaîna sur un processus désormais connu où le Royaume-Uni et la France tiennent le premier rang, suivis sans véritable réticence par les autres pays de l’Union européenne.
Certaines causes de l’évolution britannique sont intérieures, ou « européennes ». La médiocre présidence britannique de l’Union de janvier-juin 1998 et le refus de l’euro ont convaincu Tony Blair que la situation n’était plus tenable : la défense était le seul domaine où son pays pouvait apporter quelque chose de décisif à l’Europe. D’autres causes relèvent de l’évidence historique : impuissance européenne à maîtriser ses propres crises, tels la Bosnie et le Kosovo (évidence admise par tous) ; hésitations des États-Unis à s’engager dans les crises européennes (évidence discutée à cause du poids de ce partenaire qu’on ne critique pas facilement) ; enfin, inquiétudes européennes (britanniques) devant une politique américaine erratique, faisant craindre un comportement imprévisible dans des crises européennes (évidence dissimulée pour des motifs politiques).
Une étude de la défense européenne s’en tenant à la seule problématique de l’Europe et des rapports entre pays européens est nécessairement tronquée, voire trompeuse. Les enjeux de la défense européenne sont essentiellement transatlantiques : il est significatif que le seul pays qui soulève des objections à la constitution d’une défense européenne soit le principal allié de l’Europe, distant de 6 000 kilomètres et par ailleurs partisan officiel du rôle renforcé des Européens dans leur propre défense. On n’a en revanche pas noté d’objection particulière de la part de la Russie ou des pays non-européens bordant la Méditerranée. Sur le plan géostratégique, ces pays sont pourtant concernés au premier chef par l’initiative européenne de défense. Ce constat est apparemment paradoxal. Que certains jugent anodin de ne pas le faire est révélateur.
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