Lettre aux « Sigémistes »
Le 26 juillet 1999, M. Alain Richard, ministre de la Défense a pris la décision suivante : « Un séminaire interarmées, se déroulant à Paris durant une quinzaine de jours sera organisé pour prendre place dans les programmes de formation initiale. La mise en œuvre, qui devra pouvoir intervenir pour les promotions recrutées à la rentrée 2000, sera étudiée par un groupe de travail piloté par le président du Comité de coordination de la formation (CCF) et associant les états-majors d’armées ».
Mes fonctions de l’époque étaient celles de commandant des Écoles de l’armée de l’air et je venais de prendre la présidence tournante du CCF. Je me suis donc vu chargé de cette mission particulièrement originale et j’ai formé le groupe de travail demandé par le ministre, appelé dans un premier temps « Groupe séminaire inter-armées ».
Nous avons commencé, sur-le-champ, à réfléchir à cette nouveauté dans la formation des jeunes officiers du recrutement direct, laquelle s’inscrivait parfaitement dans la réflexion que nous menions alors tous, pour ouvrir et faire évoluer l’enseignement de nos écoles militaires. C’est pourquoi, alors même que vous n’aviez même pas encore passé vos concours, vous êtes tous devenus, sans le savoir, l’objet de nos préoccupations pour les vingt mois suivants.
Une fois définie la période propice, le programme s’est progressivement précisé à partir des multiples suggestions qui sont nées au sein du groupe ou qui lui ont été proposées de toute part, par les écoles elles-mêmes, par les états-majors et par les personnes avisées dont nous nous étions entourés. Vous avez souvent échappé au pire...
Cependant, il a semblé d’emblée évident pour tous, que nous avions là l’occasion de vous proposer une série d’activités particulièrement riches et intéressantes, à la condition d’éviter deux écueils importants, l’ennui et le désordre. Tous vos aînés organisateurs se sont alors remémoré l’époque où eux-mêmes étaient « poussins », « bordaches », « bazars », entre autres sobriquets. Ils ont cherché, eux, les élèves-officiers du siècle dernier, à vous intéresser et à vous guider fraternellement dans la découverte de ce monde complexe de la défense d’aujourd’hui, dans lequel vous avez choisi de les rejoindre et de vivre une partie de votre vie, vous, les élèves-officiers du XXIe siècle.
Un brin d’envie de n’avoir pas pu bénéficier, en leur temps, d’une telle occasion, les a amenés à se mettre à votre place pour choisir les formules les plus attrayantes, sans perdre de vue que le but de ce séminaire est bien de faire partie du programme de formation des grandes écoles militaires. Le sigle Sigem (Séminaire interarmées des grandes écoles militaires) s’est donc tout naturellement imposé à ses organisateurs. Aujourd’hui, vous avez entre les mains le programme de cette manifestation importante qui marquera votre carrière naissante, entamée à la charnière de deux époques.
La construction de l’Europe de la défense en est le fil directeur, évident et, comme on dit maintenant, « incontournable », car vous ferez carrière dans une armée tournée vers l’Europe. Certains frères d’armes européens sont déjà parmi vous, invités à participer à ce premier Sigem.
Vos anciens, qui peuvent enfin distinguer des visages dans vos rangs serrés, sont fiers des louables efforts qu’ils ont faits pour que ce programme « tienne la route » et vous captive. Le défi est rude, car vous avez l’âge de nos enfants, lesquels nous étonnent parfois beau coup, comme nous avons probablement étonné nos propres parents. S’il vous arrive de douter de certains choix, imaginez-vous, un seul instant, en train d’organiser, quand viendra votre tour, le trente cinquième Sigem... et tout ira mieux.
Vous verrez que, dans cet esprit, nous avons pris le parti de vous éviter, le plus possible, l’avalanche des exposés magistraux, pour privilégier l’alternance des tables rondes qui donneront à de nombreux intervenants l’occasion de vous présenter des sujets complexes d’une façon vivante et animée et, surtout, de vous répondre en direct live, car ils seront là pour ça.
Vous apprécierez, je l’espère, notre volonté de varier les plaisirs en vous proposant aussi quelques activités culturelles et sportives, de nature à vous détendre un peu et vous montrer que la formation réussie d’un homme ou d’une femme dépend aussi de cela.
Vous constaterez également que notre expérience de vieux soldats aguerris nous a conduits à prendre certaines dispositions typiquement militaires, bien sûr, pour vous guider vers un ordre propice à la réflexion et au développement de cet esprit interarmées qui doit être l’âme du séminaire. Elles seront aussi la garantie, au profit de tous, d’un déroulement harmonieux du programme, malgré votre grand nombre et en dépit des contraintes de la région parisienne, dont vous aurez probablement très vite un excellent aperçu !
Je vous invite à respecter ces dispositions, car cela fait partie de votre formation militaire initiale.
Le dernier jour, nous ferons ensemble le bilan de ce premier séminaire, librement, car vous êtes tous devenus, encore une fois sans le savoir, mes collaborateurs privilégiés pour mettre au point le Sigem suivant, car il faut déjà y penser. Alors, « bienvenue au club » et profitez-en bien ! ♦