Gendarmerie - Les missions de défense de la gendarmerie
Conjointement avec la police militaire et la prévôté (1), la gendarmerie exerce, en temps de paix comme en temps de guerre, certaines missions de défense. Avec la réactivation du plan « Vigipirate » qui répond à la menace d’attentats terroristes, il est apparu nécessaire d’apporter quelques précisions sur cette implication de la gendarmerie dans la défense nationale, intervenant dans le cadre de la fonction de protection. Selon les dispositions de l’article 6 du décret du 14 juillet 1991, toutes les formations de gendarmerie ont « vocation à participer à la défense du territoire ». Si le rôle militaire de cette dernière ne représente, à l’heure actuelle, qu’une part très limitée de son service (environ 3 % de son activité opérationnelle), l’institution est malgré tout appelée à jouer une fonction essentielle à l’occasion de la mise en œuvre de la défense opérationnelle du territoire (DOT) (2).
Ne disposant pas de formations combattantes, hormis peut-être des neuf escadrons du groupement blindé de gendarmerie mobile (GBGM) de Satory, la gendarmerie ne peut, à moins de périls graves, être alignée directement sur le champ de bataille. En raison même de sa finalité propre et de la nature de son organisation, elle ne participe, en effet, que de manière limitée et dérivée aux opérations militaires. Son rôle militaire se limite, en première analyse, à l’exercice de trois principales missions : l’administration des réserves et la préparation de la mobilisation, la protection des points sensibles et la recherche du renseignement.
Implantée sur l’ensemble du territoire, la gendarmerie constitue la pièce maîtresse du système d’administration des réserves et de préparation de la mobilisation. Ses 3 591 brigades territoriales procèdent en temps de paix à la remise des fascicules de mobilisation, à la vérification de la situation des réservistes et des véhicules susceptibles d’être réquisitionnés, ainsi qu’à la conservation des moyens de rappel. En cas de crise ou de conflit, les gendarmes se voient confier la charge de veiller au placardage des affiches de mobilisation remises aux communes, mais aussi de prendre contact avec les réservistes et les propriétaires de véhicules afin de leur remettre les ordres de rappel ou de réquisition.
Dans le cadre de sa mission traditionnelle de surveillance générale, la gendarmerie participe à la protection des points sensibles. Plusieurs milliers de sites ont ainsi été classés au regard de leur importance pour la défense nationale, comme les centres d’approvisionnement en matières premières, les relais de transmission, les entreprises travaillant pour la défense ou encore les centres de commutation et d’alimentation électrique. Afin de prévenir et de s’opposer à toute agression visant à la destruction ou à la neutralisation de ces points sensibles, les unités territoriales doivent rechercher auprès de la population tous les renseignements nécessaires et maintenir un contact étroit avec les responsables de ces installations. Éventuellement relayée, en cas de crise ou de conflit, par des réservistes, la gendarmerie a la charge d’assurer en permanence, par des actions de surveillance et d’intervention, la sécurité des principaux équipements civils et militaires. Les installations nucléaires font l’objet d’une attention toute particulière, notamment en ce qui concerne la protection des armements nucléaires et leurs déplacements.
La gendarmerie a enfin pour mission de rechercher auprès de la population les renseignements indispensables à l’action des autorités administratives, judiciaires et militaires. Mission traditionnelle et permanente, la recherche du renseignement revêt, en cas de conflit ou de menace terroriste, une importance décisive. Ainsi, par leur connaissance des lieux et des habitants, les gendarmes paraissent à même de déceler la présence d’éléments ennemis infiltrés ou dissimulés sur les arrières du dispositif militaire.
Limitée à l’exercice sur le sol national de certaines missions, la participation de la gendarmerie aux opérations militaires se situe en marge des combats et à la périphérie des théâtres d’opérations. Même si ses formations n’ont pas vocation à participer directement au combat, la gendarmerie remplit malgré tout certaines missions de défense dérivées au profit des forces armées. Par l’accomplissement de ces missions, elle a pour fonction première de permettre aux armées de disposer des moyens humains et matériels nécessaires à la préparation et à la conduite des opérations militaires.
Cependant, le rôle militaire de la gendarmerie va au-delà du simple exercice de missions militaires accessoires. Le corps « gendarmique » ne peut, en fait, se réduire au rang de simple force militaire de soutien évoluant à l’arrière des armées. Sa place demeure symboliquement « à la droite des troupes », la gendarmerie étant étroitement associée à la défense nationale, au même titre que les autres grands corps de l’État.
S’attachant à la pérennité même de l’organisation étatique, la défense nationale revêt, selon l’ordonnance de 1959, un caractère global (militaire, civil, économique) dont l’impérieuse nécessité a été réaffirmée, à la lumière des évolutions politiques et géostratégiques consécutives à la chute du mur de Berlin en 1989 et à l’effondrement du bloc communiste, par le Livre blanc sur la Défense (1994) et la loi de programmation militaire (1997-2002). Sans pour autant écarter les formes de conflits classiques, ces textes mettent en évidence de « nouvelles menaces » relevant de la défense nationale en raison de leur dimension transnationale, mais aussi parce qu’elles sont de nature à porter gravement atteinte aux institutions, à la population et au potentiel économique ; on pense en particulier au terrorisme, aux actions occultes de type mafieux et des sectes, ainsi qu’à la criminalité organisée. Les attentats perpétrés, le 11 septembre dernier, à New York et à Washington fournissent une illustration dramatique des implications et des conséquences à la fois humaines et matérielles, politiques et économiques, nationales et internationales de ce type de menaces.
Destinée à assurer l’intégrité du territoire et l’indépendance de l’État, la gendarmerie a pour objet de préserver la puissance publique, en assurant le maintien de l’ordre public ainsi que la protection des structures décisionnelles et du potentiel militaire, social et économique de la nation. Ainsi, certaines formations comme la garde républicaine, le groupement blindé de la gendarmerie mobile et le groupe de sécurité de la présidence de la République sont-elles plus particulièrement chargées d’assurer en permanence la sécurité et la liberté d’action des plus hautes autorités de l’État. Au-delà de l’exercice de ses missions de police militaire et de défense, la gendarmerie participe plus largement à la défense nationale par sa fonction même d’assurer le maintien de l’ordre et l’exécution des lois. La place de la gendarmerie dans l’édifice de défense ne peut donc se réduire au seul rôle militaire qui lui est confié, même si ce dernier est appelé à prendre une ampleur considérable dans la défense opérationnelle du territoire. ♦
(1) Cf. F. Dieu : « Les missions de police militaire de la gendarmerie » ; Défense Nationale, chronique « Gendarmerie », juillet 1999.
(2) Cf. F. Dieu : « La gendarmerie et la défense opérationnelle du territoire » ; Défense Nationale, juin 1993.