Écrits de guerre / Réquisitoire
Pour qui ne connaît le général Gallois qu’à travers ses ouvrages de stratégie ou de géopolitique, ses Écrits de guerre seront une émouvante découverte. La photo de couverture en donne la mesure, où figure le jeune capitaine, pipe au bec et chat mascotte dans les bras, au milieu de son équipage, sur une base de la RAF. Émouvant aussi le recueil des articles qui constituent l’essentiel du livre et que signa Pierre Gallois dans La France libre, mensuel dont Raymond Aron assurait à Londres la rédaction.
Écrits aussitôt après la victoire sur l’Allemagne, ces textes témoignent de la précocité de l’auteur, dans le style comme dans l’analyse de la conjoncture et la fermeté des convictions. Ainsi, le 15 mai 1945, de ce jugement sur l’Allemagne, « ses grandeurs et ses effondrements, sa sentimentalité ou sa froide raison, son humanisme et sa cruauté ». Ainsi, le 15 juin, du tableau saisissant de la guerre du Pacifique. Ainsi, étonnant par son actuelle pertinence, de la mise en parallèle du rideau de fer soviétique et du « rideau d’or anglo-saxon », à l’abri duquel les financiers « se donnent le spectacle de leur omnipotence ». Le texte final est un formidable document : la RAF en action au-dessus de l’Allemagne dans la nuit du 16 au 17 janvier 1945. C’est sur la ville de Magdebourg que l’appareil de Pierre Gallois sera, en cette nuit barbare, dirigé.
Le second livre porte bien son titre. C’est un réquisitoire contre notre Occident. On connaît là-dessus les idées du général, fort arrêtées. L’Amérique est l’objet principal de sa colère, personnifié par l’épouvantable Madeleine, alias Bomber Albright. L’Irak est la victime première de l’entreprise américaine (« L’Occident tortionnaire »), les Balkans la seconde (« Le saccage des Balkans »). Si le lecteur surmonte l’énervement que pourrait susciter le ton polémique, il tirera profit de quelques vérités rarement dites. Selon l’auteur, la capitulation de la Serbie n’en fut pas une : les exigences inacceptables des États-Unis à Rambouillet rendaient l’intervention inévitable ; leur abandon put être considéré par Milosevic comme une victoire, au moins une défaite honorable. Le réquisitoire se termine par deux chapitres français, mais aussi peu aimables. Sous le titre « géopolitique », on lira une vive critique de la Ve République et de l’élection du chef de l’État au suffrage universel (eh oui !). « L’état de la France », enfin, est un constat de catastrophe. Entre une Europe qui se cherche et des régions qui s’impatientent, la France va disparaître. On peut ne pas partager ce pessimisme. La prudence impose de l’entendre. ♦