Les attentats de New York ont fait ressurgir dans les discours des dirigeants américains des appels à la guerre totale, inquiétants parce que d'un autre âge et miroir du délire des fondamentalistes islamiques. La guerre sainte est proclamée des confins de l'Indus aux rives du Potomac. Graves errements, dont s'inquiètent à juste titre les Européens, opinions et gouvernements confondus. La perspective d'un nouveau cycle de guerres, que les Américains semblent tout à la fois craindre et appeler de leurs vux, est rejetée par tous ceux qui cherchent au contraire à en sortir. Et l'on découvre que s'affrontent, de part et d'autre de l'Atlantique, deux visions radicalement différentes du droit, donc du monde. Et si le choc des civilisations tant redouté s'avérait ne pas être, au terme de ce qui apparaît encore malgré tous les discours millénaristes comme une guerre du XXe siècle, celui que l'on croit ?
Le droit en état de guerre
Le droit fait-il partie intégrante du génie et du caractère d’une nation, et est-il à ce titre un enjeu stratégique, donc de souveraineté, dans le rapport de force international ? Voilà une interrogation qui semble un peu secondaire dans l’actualité du moment, alors que la confrontation entre notre droit dit romano-germanique, et ce que nous désignons abusivement par un barbarisme, d’ailleurs historiquement faux, de « droit anglo-saxon », reste pourtant un enjeu de taille pour la définition de ce que sera le futur droit du monde.
Il était jusqu’ici admis qu’avec l’influence grandissante du droit américain, l’Europe perdait corrélativement la sienne parce que son droit était partout en recul. Il était non moins admis que cette confrontation avait pour cadre un système de valeurs communes. Or il est désormais clair que, dans l’optique américaine, le droit n’est qu’un des instruments de mainmise économique, industrielle et financière, acquise elle-même par la puissance militaire. Et que les divergences se creusent rapidement, entre les deux rives de l’Atlantique sur la définition du nouveau droit, parce qu’à la source la vision du monde est différente.
D’où l’interrogation fondamentale qui se fait jour : sommes-nous engagés avec l’Amérique dans une simple confrontation d’imperium juridique, économique, financier et culturel, ou plus profondément dans un conflit de valeurs et de civilisation ?
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