Qu'est-ce que la guerre ?
Il y a peu de phénomènes sociaux qui soient aussi répandus que la guerre. Alors que tant d’institutions ne sont comprises ou pratiquées que par certains peuples, il n’y en a pas qui ne connaissent la guerre. Les enfants la vivent d’instinct et l’imitent ou la recréent dans leurs jeux. Elle paraît tellement évidente à tous, des plus civilisés aux plus frustes, tellement mêlée à la vie des peuples et des individus, liée à leurs préoccupations, évoquée à chaque instant par leurs légendes et leur histoire, que l’on ne songe guère à la définir. Ce soin paraît superflu : ainsi Proud’hon écrit, au début de son ouvrage (1), qu’aucun lecteur n’a besoin qu’on lui dise ce qu’est physiquement ou empiriquement la guerre. « Tous, dit-il, en possèdent une idée quelconque : les uns pour en avoir été témoins, d’autres pour en avoir eu maintes relations, bon nombre pour l’avoir faite. »
L’étymologie du mot guerre est elle-même susceptible de nous apporter quelques enseignements. Pour Gratius le mot grec polemos viendrait de poles qui désignait le grand nombre ; le mot latin bellum viendrait de duellum, que certains auteurs comme Horace et Plaute emploient pour désigner la guerre (comme bis de duis) (2). Quant au mot français il viendrait, croit-on, d’une simple exclamation, un cri de guerre, le guttural werra, d’où sont venus l’allemand wehr et l’anglais war, et le bas latin guerra qui est passé dans l’italien et l’espagnol (3).
Délimitation de la guerre par rapport à d’autres phénomènes analogues. La « lutte universelle »
Ceux qui ont étudié la guerre ont hésité entre deux attitudes. La première consistait à ne voir en elle qu’un cas particulier de la lutte universelle. La seconde la considère comme un phénomène sui generis qu’il vaut mieux envisager à part, séparément des autres formes de concurrence ou de lutte.
Il reste 93 % de l'article à lire
Plan de l'article