Deux officiers de culture analogue proposent de la guerre deux visions opposées. Vincent Desportes, lecteur attentif de Clausewitz, veut que l'on revienne aux enseignements du maître : la guerre et l'humanité marchent du même pas. Loup Francart, doctrinaire de la contre-guerre, théorise les opérations de paix. Peut-être les deux thèses sont-elles complémentaires : Si vis pacem ...
Parmi les livres - Faire la guerre ou maîtriser la violence ?
En septembre dernier paraissait une seconde édition du livre de Vincent Desportes, Comprendre la guerre. Cette réédition nous incite à y revenir. Non pour la qualité du livre, couronné de deux prix et qui a été ici même justement célébré, mais pour le mettre en parallèle avec un autre ouvrage, signé de Loup Francart, Maîtriser la violence (1). Cette lecture croisée jette une lumière crue sur le dilemme stratégique auquel nos armées sont confrontées. Les deux auteurs sont de même génération, de même expérience, l’un colonel et l’autre jeune général et tous deux frottés de culture américaine. L’objet de leur étude les oppose : la guerre à faire pour Desportes, à empêcher pour Francart, acceptée par l’un, refusée par l’autre. L’opposition est telle qu’il importe de savoir qui a tort et qui raison ou bien, s’ils ont raison, comment accorder leurs discours ?
DE LA GUERRE
Commençons par la guerre. Un critique grincheux dira que Vincent Desportes ne parle pas pour le XXIe siècle, que son livre est une lecture des auteurs classiques, que Clausewitz est son homme et que le livre est un commentaire de plus sur l’œuvre du génial Prussien, assorti d’un panorama, certes talentueux, de notre passé guerrier. Un lecteur mieux disposé jugera, comme l’auteur, que, dans l’errance actuelle, le stratège trouvera profit à revenir aux robustes enseignements des pontifes, dont la pérennité est assurée pour peu qu’on s’en tienne à l’essentiel.
V. Desportes est sévère avec ses anciens directs : la pensée militaire française s’était figée, la dissuasion nucléaire ayant dissuadé les penseurs de penser. Aussi se réjouit-il de ce que la fin de l’affrontement Est-Ouest ait ouvert la porte aux idées nouvelles, ou au retour des anciennes. La période nucléaire n’est qu’un « avatar de l’histoire », « la guerre revient », elle « comporte une dimension d’éternité » et « n’a pas fini de modeler le monde ». Ainsi le disciple rejoint-il le maître : « Clausewitz, écrit Raymond Aron, ne s’interroge pas plus sur l’existence de la guerre que le théologien sur l’existence de Dieu » (2).
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