Jomini, roi des stratèges
Il était originaire de cette nation suisse qui, durant des siècles, avec un goût instinctif pour les armes et une bravoure extraordinaire, aura loué ses services militaires à tous les peuples dans des guerres sans nombre. Il a surgi tout naturellement de cette race de soldats. Poussé non par le goût de l’aventure, mais par le culte passionné d’un art, la stratégie, où, d’un seul coup, il s’est presque égalé à Napoléon. Tacticien quasi-génial, ce Jomini, doublé d’un être infiniment curieux qui demeure une énigme pour le psychologue.
Il était né en 1779, à Payerne, dans le Valais, et, tout de suite dans la petite pension d’Aarau où son père l’avait placé, s’était révélé hors pair en calcul et en géographie. Sera-t-il donc plus tard professeur ? Son père en a décidé autrement : il veut faire de son fils un banquier et l’expédie à Bâle à la Banque Preiswerk, pour y apprendre le métier.
Le jeune Jomini se soumet et se plonge docilement dans les mystères de la comptabilité, mais, dès qu’il a une heure libre, ce n’est pas aux cours de la Bourse qu’il songe, c’est à une nouvelle marotte qui a supplanté encore chez lui la géographie et est devenue une passion : la stratégie. Étrange passion chez un garçon de seize ans, mais, tout jeune, ne se plaisait-il pas à grouper les gamins sur la grande place de Payerne et à les faire manœuvrer sous ses ordres ? Depuis cette époque, il a fait la découverte des campagnes de Frédéric II et ça a été pour lui une révélation : Frédéric, le maître de toutes les tactiques, l’arbitre de toutes les batailles à cette époque ! Avec fièvre, Jomini les a étudiées l’une après l’autre, les campagnes du roi de Prusse, il en a tiré les principes, déduit les lois, et voici qu’autour de lui, il peut vérifier la justesse des conceptions de son maître dans les nombreuses batailles qui se déroulent aux portes de la Suisse. Une partie de l’Europe est en guerre dans ces premières années de la Révolution qui voient monter à l’horizon de la gloire de nouveaux noms de généraux dont celui de Bonaparte.
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