In memoriam - Éloge funèbre de Marc Bonnefous
Marc, nous nous sommes rencontrés pour la première fois au lendemain de la guerre, en passant les épreuves du premier concours de l’ENA, réservé à ceux qui avaient laissé leurs études pour combattre. Toi, à 19 ans, tu avais franchi la frontière espagnole, et après le traditionnel passage par les geôles de la Péninsule, rejoint l’Afrique du Nord où tu t’étais engagé dans les commandos. Après avoir débarqué en Provence, tu as livré tous les combats jusqu’en Alsace où tu fus blessé en novembre 1944. Ainsi Marc Bonnefous entrait-il à l’ENA promotion France Combattante avec la Médaille militaire et la Croix de guerre.
Depuis lors, nos chemins ne se sont jamais longtemps séparés et notre amitié fut scellée d’emblée.
Nous servîmes d’abord au Maroc où notre affection réciproque se renforça, et où nos épouses, Monique et Oriane, se connurent et s’apprécièrent. Puis, à la fin du Protectorat, nous prîmes chacun notre chemin, toi dans la diplomatie, moi bientôt dans la politique. Quand le général de Gaulle m’appela au gouvernement, c’est vers toi que je me tournai pour diriger mon cabinet. D’abord aux PTT où nous affrontâmes la tempête de 1968. Je n’oublierai jamais ces derniers jours de mai où tout semblait s’effondrer au ministère et où tu me proposas d’aller calmer une agitation qui risquait de déborder jusqu’à mon bureau ; tu parvins à la canaliser. Deux jours plus tard, certes c’était le 30 mai et le grand défilé des Champs-Élysées ; mais, si j’ose dire, nous avions sans doute trop bien réussi car au remaniement qui suivit, nous nous retrouvâmes, en première ligne, au ministère de l’Information où la grève se poursuivait et où tes qualités de négociateur firent merveille.
Tu fus ensuite promu ministre plénipotentiaire et ta carrière dans la Carrière se déroula de la plus brillante façon : ambassadeur au Congo-Brazzaville, inspecteur des postes diplomatiques, ambassadeur en Israël durant quatre ans, secrétaire général adjoint du Quai d’Orsay, ambassadeur auprès de l’OCDE ; ce qui te valut d’être élevé à la dignité d’ambassadeur de France avec tous les honneurs qui s’attachent à cette éminente fonction et à ce titre que l’on conserve jusqu’au terme de son existence.
Ce parcours exceptionnel, tu le dois à ta culture : docteur en droit, auteur de nombreux ouvrages de géopolitique dont le dernier vient de sortir, bien d’actualité : Le fer et le velours - essai sur la violence et la diplomatie.
Tu le dois à ta merveilleuse capacité d’écoute, qui a fait de toi ce diplomate avisé, et qui t’a valu l’amitié de tous les hommes de qualité que tu as rencontrés dans ces postes de responsabilité.
Tu le dois à tes convictions, à cette détermination qui t’avait conduit à prendre les armes pour libérer la France « sans que selon l’expression du général de Gaulle aucune loi humaine ne t’y contraignît ». Jamais tu n’as douté de la France, de sa pérennité, de son destin ; jamais tu n’as cessé de la servir, avec conviction et talent.
Tu le dois à ton épouse Monique à qui j’exprime la tristesse de ma femme et de moi-même ; Monique, parfaite épouse qui t’a toujours accompagné et soutenu sans défaillance, avec tout son amour. Monique, à vous, à vos enfants, à vos petits-enfants, je dis que ce jour est aussi, pour nous tous réunis ici, un moment de grande émotion et que nous nous associons à votre deuil.
Mais Marc Bonnefous n’est pas vraiment parti. Il demeurera vivant dans le souvenir de tous ceux, nombreux, qui l’ont connu et aimé. ♦