Compte-rendu de la soirée-débat organisée par le Comité d'études de défense nationale, le 4 décembre 2003 à l'École militaire : conférence de Son Excellence Sir John Holmes, Ambassadeur de Grande-Bretagne en France, suivie d'une période de questions.
Conférence - La contribution de la Grande-Bretagne à la construction politique et stratégique de l'Union européenne
L’Union européenne, de plus en plus, est présente sur la scène politique et stratégique. Je voudrais vous dire comment la Grande-Bretagne considère ce rôle d’acteur. « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous ; mais ce que vous pouvez faire pour votre pays », disait John Kennedy. Je m’en suis souvenu quand j’ai vu le sujet de grand oral que vous m’avez donné aujourd’hui. Que fait la Grande-Bretagne pour faciliter la construction politique et stratégique de l’Europe ? Évidemment je pourrais retourner la question, et demander ce que fait l’Europe pour réaliser les objectifs de politique étrangère et de sécurité de la Grande-Bretagne. D’ailleurs pour beaucoup de Britanniques, ce serait plus naturel…
Les deux postures ont leurs avantages et leurs inconvénients. D’une part, il ne sert à rien de bâtir des institutions et des politiques européennes si elles n’ajoutent pas de valeur à ce que les États membres peuvent faire eux-mêmes ; ou si elles ne servent pas les intérêts de ces États et de leurs habitants. Or j’ai parfois l’impression qu’en France, le consensus sur la nécessité d’une Europe puissance ne va pas de pair avec un consensus sur la raison d’être de cette puissance, ou avec son mode d’exercice. D’autre part, en Grande-Bretagne, nous avons tendance à constater que telle politique européenne est inefficace ou marginale, et à en conclure que l’Union européenne n’a pas à se mêler de la question ; au lieu de nous demander si une plus grande mobilisation ne donnerait pas les résultats voulus.
En fait, je voudrais défendre devant vous la proposition suivante : à partir de positions historiques, politiques, et intellectuelles différentes, la Grande-Bretagne et la France se rapprochent progressivement d’une même conception du rôle de l’Union européenne en matière d’action stratégique. Ce n’est pas facile. À bien des égards, les deux pays ont du mal à renoncer à leur statut d’acteur qui compte, quand il s’agit de politique étrangère ou de défense — la crise irakienne vient de le rappeler. Ils se font une idée différente du partenariat avec les États-Unis, et c’est une autre ligne de fracture qui concerne l’Union entière. Mais plus on considère les grandes questions de sécurité auxquelles il faudra répondre dans les dix à quinze prochaines années, plus on réalise que la mise en commun des efforts en Europe, dans le partenariat avec les États-Unis, est indispensable. À cause de leur histoire et de leur culture, la Grande-Bretagne et la France savent bien qu’elles ne peuvent protéger leurs intérêts — dans ce monde où règne l’interconnexion — qu’en étant prêtes à s’engager à fond, même s’il y a des risques, et que cela coûte cher.
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