Quand Donald Rumsfeld affirme que « c’est la mission qui fait la coalition », il ne s’agit pas de l’expression d’un isolationnisme traditionnel américain ; car l’usage même du mot « coalition » montre que les États-Unis ne se retirent pas du monde. Le concurrent soviétique ayant disparu, retourneraient-ils alors à la construction de la société idéale dont ils ont la vision depuis leur naissance ? En ce cas, l’idéal du Nouveau Monde s’exprimerait différemment : il y aurait toujours une altérité américaine au monde, un hégémon bienveillant.
De ce point de vue, il n’y a plus besoin d’alliances, obstacle à la domination éclairée de l’hégémon. C’est la multipolarité contemporaine qui promeut les coalitions ; et la doctrine Rumsfeld, présentée comme l’expression de l’unilatéralisme arrogant, n’est au fond que l’acceptation pragmatique d’une multipolarité réelle. Toutefois, les coalitions s’accommodent mal de l’unilatéralisme.
Enfin, alors qu’on parle sans cesse de mondialisation, l’interdépendance en matière de sécurité a diminué depuis la fin du système bipolaire. Le monde est aujourd’hui plus régional, ce qui favorise les coalitions. D. Rumsfeld a donc raison : c’est la mission qui fera la coalition, mais dans le monde multipolaire prôné par l’Europe.