Le Renseignement français contemporain (Aspects politiques et juridiques)
L’ouvrage rédigé sous la direction de Bertrand Warusfel, Maître de conférences à l’université de Paris V, constitue la synthèse des sujets qui ont été développés à l’occasion de la journée d’études sur le renseignement, un séminaire de réflexions et de débats organisé par le Centre Droit et Défense de l’Université de Paris. Les exposés et les discussions se sont déroulés le 5 octobre 2001, dans le climat d’émotion, d’inquiétude et surtout de regain d’intérêt pour le renseignement provoqué par les attentats terroristes du 11 septembre.
Parmi les conférenciers qui ont animé ce rendez-vous destiné à ouvrir des pistes de recherche pour l’action, il convient de mentionner : Christian Chocquet (La structure administrative des services de renseignement), François Thuillier (Le village mondial des services de renseignement), Dominique Fonvielle (L’essor des pratiques de renseignement économique), le préfet Rémy Pautrat, ancien directeur de la DST (La coordination politique du renseignement : le comité interministériel du renseignement suffit-il ?), Jacques Buisson et Xavier Cabannes (Les moyens budgétaires des activités de renseignement), Bernard Poujade (Les contrôles administratifs sur les activités de renseignement), Matthieu Conan (Les activités de renseignement devant les juridictions administratives), Nicole Guimezanes (Les activités de renseignement devant le juge pénal) et Xavier Latour (Les activités de renseignement devant les juges européens).
Comme l’a souligné Bertrand Warusfel dans la présentation générale, l’importance de la fonction renseignement est aujourd’hui mise en relief par la perception de plus en plus forte de l’instabilité du monde. Elle est également accrue par la valeur que la société contemporaine donne aux moyens d’aide à la décision dans un univers de plus en plus dépendant de l’information. Ce constat revêt notamment un aspect particulier dans le domaine de l’intelligence économique, cette dimension nouvelle du renseignement qui est ressentie non seulement par les États, mais aussi par d’autres acteurs. Parmi ceux-ci, les entreprises privées qui ont mis en place des « outils de gestion stratégique » pour développer leur influence, donc leur compétitivité, et mieux se protéger contre l’espionnage industriel. Une telle ambition doit cependant être maîtrisée pour éviter les dérives. Cet objectif peut être atteint par l’instauration d’un statut juridique et d’un dispositif de contrôle efficace. Sur ce chapitre délicat, notre droit du secret reste à réinventer.
Selon l’auteur, un mécanisme externe conçu de façon à préserver la nécessaire confidentialité « qui sied aux contenus des opérations de renseignement » pourrait faire contrepoids à la situation de méfiance qui prévaut aujourd’hui et préserver l’État du discrédit qui découle de chaque affaire révélée et souvent gonflée par les médias. L’établissement, par la loi du 8 juillet 1998, de la commission consultative du secret de la Défense nationale a certes ouvert une voie vers un véritable contrôle ; mais les limites inscrites dans le décret et relatives aux compétences précises de cette commission consultative, ainsi que l’interprétation restrictive qu’elle paraît faire de son propre rôle, ne lui permettent pas de tenir lieu d’organe pleinement crédible de contrôle du renseignement en France. La création de délégations parlementaires de contrôle des activités de renseignement a également marqué une avancée certaine, mais pour Bertrand Warusfel, une telle dynamique a eu surtout pour mérite de favoriser la culture du renseignement parmi les responsables politiques, en enclenchant « un cercle vertueux » qui « viendra nourrir la réflexion des parlementaires et la pertinence de leur contrôle ». On ne saurait mieux dire. ♦