Pages d'histoire - Machiavel et l'art de la guerre
La singulière destinée de Niccolo Macehiavelli, que l’on appelle tout simplement en français Machiavel, homme au génie complexe et varié, a condamné ce passionné de guerre et de politique à n’exercer jamais, dans ces deux activités, que des fonctions subalternes. Alors qu’il possédait un extraordinaire talent pour la diplomatie, alors qu’il adorait la stratégie, le commandement des troupes et les manœuvres militaires, la seigneurie florentine, qu’il servait en qualité de secrétaire de chancellerie, l’a cantonné toujours dans des besognes de bureau où ses dons exceptionnels ne pouvaient pas s’épanouir librement. Mais comme il faut que le génie s’exprime tout de même dans quelque condition où le sort l’ait placé, cet homme, auquel il n’a pas été donné d’être un grand chef de guerre ou un grand homme d’État, a renfermé dans ses livres toute cette science et toute cette expérience que l’on n’avait pas su employer sur le plan pratique.
C’est ainsi que l’auteur du Prince est devenu — pour combien de générations de politiciens ? — le grand théoricien de l’art de gouverner les hommes, et que, pour compenser cette vocation manquée de général, il a rédigé dans maints traités, et principalement dans celui qui porte pour titre De l’Art de la Guerre, les idées et les principes, nés de ses réflexions au cours des guerres auxquelles il avait participé issus de ses observations — et nul ne fut plus subtil observateur que lui — alors qu’il chevauchait botte à botte avec César Borgia, au cours de ses campagnes de Romagne, ou au temps où il assiégeait Pise à côté de ces condottieri félons qu’étaient les deux frères Vitelli, dont l’un devait être exécuté pour trahison sur l’ordre de la seigneurie florentine, et l’autre assassiné par César Borgia.
Pour un homme curieux des choses militaires, c’était une époque particulièrement intéressante que cette période de la Renaissance qui a vu se développer les guerres d’Italie, les grandes invasions françaises, allemandes et espagnoles dans la Péninsule. Le morcellement de l’Italie en une quantité de petites principautés qui se redoutaient, se haïssaient, et s’efforçaient de s’agrandir au détriment de leurs voisines, entraînait des guerres incessantes entre le duché de Milan, le royaume de Naples, les États de l’Église, la république florentine et Venise, chacun de ces États essayant de s’arroger une prépondérance politique que les autres n’étaient pas disposés à lui concéder. Ces guerres locales favorisaient les entreprises des aventuriers, des « capitaines heureux », qui, à la suite d’une campagne hardiment menée, pouvaient quelquefois s’attribuer un royaume, ou un duché.
Il reste 92 % de l'article à lire