En décembre 2002, le bureau des affaires publiques du secrétariat à la défense (Assistant Secretary of Defense for Public Affairs, ASDPA) annonce aux médias américains et étrangers dans quelles conditions ils pourront couvrir le conflit qui se profile en Irak. Le concept retenu est celui de l’embedding : il s’agit d’assigner aux différentes unités (de combat et de soutien) et aux postes de commandement des reporters américains et étrangers pour la durée des combats. Ils joueront le rôle de témoins indépendants et rapporteurs de guerre chargés de rendre compte en direct des efforts de la coalition anglo-américaine contre les forces de Saddam Hussein. Intégrés dans toutes les unités, ils disposeront de leurs propres moyens de communication et pourront transmettre en direct, en n’étant soumis à aucune forme de censure.
Le Pentagone, les médias, l'opinion publique et le système d' embedding pendant la guerre en Irak
En décembre 2002, le bureau des affaires publiques du secrétariat à la défense (Assistant Secretary of Defense for Public Affairs, ASDPA) annonce aux médias américains et étrangers dans quelles conditions ils pourront couvrir le conflit qui se profile en Irak. Le concept retenu est celui de l’embedding : il s’agit d’assigner aux différentes unités (de combat et de soutien) et aux postes de commandement des reporters américains et étrangers pour la durée des combats. Ils joueront le rôle de témoins indépendants et rapporteurs de guerre chargés de rendre compte en direct des efforts de la coalition anglo-américaine contre les forces de Saddam Hussein. Intégrés dans toutes les unités, ils disposeront de leurs propres moyens de communication et pourront transmettre en direct, en n’étant soumis à aucune forme de censure.
L’annonce du Pentagone surprend. Par son ampleur (on parle de plusieurs centaines de reporters associés aux unités de la coalition) et sa libéralité, l’embedding tranche considérablement sur les règles en vigueur depuis le début des années 80. En effet, dans l’après Vietnam, le Pentagone avait dramatiquement restreint l’accès des médias aux opérations militaires ; restrictions qui ne satisfaisaient pas les besoins de la presse et qui avaient considérablement accru l’acrimonie entre militaires et journalistes. Certains médias, incrédules, se demandent si le Pentagone va vraiment poursuivre la politique annoncée jusqu’au bout, ou si le plan va s’effondrer devant l’hostilité ou l’indifférence des autorités militaires. En conséquence, les grandes organisations de presse continuent de planifier leur propre couverture des opérations. Ils étudient les meilleurs moyens d’envoyer sur le théâtre des opérations des reporters indépendants qui auront la tâche de suivre des unités militaires ou de couvrir les autres aspects de la guerre. Ainsi, le Washington Post, le New York Times, Reuters, la BBC, CNN, Associated Press dépêchent dans le golfe Persique un nombre considérable de journalistes au prix de nombreuses difficultés (entrée en Irak, accréditation, sécurité, escorte, etc.) (1).
Pourquoi en est-on arrivé là ?
Pour le Pentagone, la politique d’accès doit servir trois objectifs. Il s’agit d’abord d’informer l’opinion publique américaine sur le déroulement des opérations pour s’assurer de son soutien. À la fois pour des raisons démocratiques et opérationnelles, les Américains considèrent que la transparence est essentielle pour obtenir l’adhésion du public. Pour que celui-ci approuve, il faut qu’il connaisse. Pour qu’il connaisse, il faut que les militaires se laissent voir. Il s’agit ensuite d’offrir le plus d’information possible, par le biais de témoins indépendants, pour contrecarrer les manipulations de Saddam Hussein. Le Pentagone a peur que les autorités de Bagdad n’enflamment les opinions publiques arabes et internationales en recourant à des histoires fabriquées sur les victimes civiles et « crimes » des alliés. Victoria Clarke, porte-parole du Pentagone, explique : « Je savais que si nous allions en guerre contre l’Irak, le régime ferait des choses terribles et manipulerait mensonges et déception avec art. Je pouvais me tenir au podium, aux côtés du Secrétaire Rumsfeld et dire (véridiquement) que le régime envoyait des soldats déguisés en civils pour monter des embuscades contre nos soldats. Certains l’auraient cru, d’autres non. Maintenant, je pouvais aussi mettre des journalistes crédibles, indépendants comme témoins et les laisser raconter que les Irakiens mettaient des soldats en civil » (2). Enfin, il s’agit aussi de générer et maintenir le soutien de l’opinion publique pour les troupes en dehors de toute considération politique sur le bien-fondé de la guerre elle-même. Après trente ans d’armée professionnelle, l’opinion publique américaine n’a plus qu’une connaissance distante de ses armées, principalement à travers ce qui lui en est dit dans les médias. Le capitaine de vaisseau McCreary, porte-parole du chef d’état-major des armées, explique : « Le meilleur porte-parole de l’opération, ce n’est pas le responsable sur le podium, il est trop loin. Ce sont nos soldats qui savent pourquoi ils combattent. Ils sont la face humaine de la guerre. Quelle que soit votre opinion sur cette guerre, il est difficile de ne pas vouloir que ces gars-là rentrent en bonne santé » (3). La présence de centaines de reporters auprès des troupes, c’est d’abord une façon de les montrer sans parti pris politique ; c’est une façon de dissocier le soutien aux troupes de celui à la politique engagée.
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