Pourquoi le Renseignement ?
À la guerre, tout est incertitude. Pour faire en sorte que se lève le « brouillard » de la guerre et disparaisse la « friction », ces phénomènes si chers à Clausewitz, le Renseignement constitue un des moyens pour aider un chef à prendre sa décision. À condition toutefois que ce réducteur d’incertitude soit de bonne qualité, qu’il ne soit pas trop abondant, et que ses destinataires veuillent bien en tenir compte.
Là réside la réponse à la question provocatrice posée à la cantonade par le colonel Guelton, mais qui aurait pu l’être autrement et plus lourdement : par exemple « Pourquoi expliquer le Renseignement ? ». En raison, aurait pu dire l’auteur, de l’immense ignorance du public, de tout le public, du petit cadre aux grands responsables des États ; une ignorance d’autant plus flagrante et dangereuse que tout un chacun n’imagine pas ne pas savoir de quoi il s’agit. Les « services », comme on dit, peinent à communiquer. Là n’est pourtant pas le problème. Le Renseignement – acquisition, recueil, interprétation – est un métier et qui ne s’improvise pas. Et qui mieux qu’un historien professionnel pouvait expliquer semblable réalité, dans la mesure où, en une aussi délicate matière, seuls les événements passés, à commencer par la plupart de ceux survenus au siècle dernier, peuvent être décortiqués sans risque et racontés sans conséquence ?
C’est ce que fait Frédéric Guelton mais il va plus loin. Son ouvrage présente le Renseignement, l’organisation de son recueil et de son interprétation dans divers pays, États-Unis, Russie, Grande-Bretagne, France… Il observe, analyse et compare les diverses cultures du renseignement propres à chaque pays : des activités en France plutôt confiées à des militaires, au Royaume-Uni à des gentlemen, aux États-Unis à des universitaires de rang moyen. Il décrit l’évolution et les transformations subies par les « services » depuis la fin de la guerre froide, aussi bien en Russie que dans le reste du monde. Il fait justice des lieux communs sur le renseignement de source technique et sur celui de source humaine pour mieux affirmer leur évidente et indispensable complémentarité. Le colonel Guelton n’omet pas non plus de précieux développements sur le renseignement économique et sur les moyens de combattre les diverses formes du terrorisme international. Il traite même des rapports entre le cinéma et le Renseignement.
Cet ouvrage est le bienvenu car il était nécessaire. Bien présenté, abondamment illustré, agréable à lire, ce tableau du Renseignement dans le monde, des origines à aujourd’hui, est à peu près sans concurrent. Qu’un historien militaire de qualité ait entrepris ce travail et trouvé un éditeur pour le diffuser, témoigne des progrès même du Renseignement et de sa culture dans notre pays. On ne peut que s’en réjouir ! ♦