Ce récit a été extrait, à l’intention de nos lecteurs, d’un recueil de souvenirs que prépare André Duboscq, ancien correspondant du Temps en Orient et en Extrême-Orient, actuellement rédacteur au Monde.
Figures du passé - François-Joseph à Budapest (1910)
La vie politique de la Hongrie était ordinairement assez mal connue hors des frontières du royaume. De temps à autre, un article de journal rappelait aux étrangers que la Hongrie était habitée par différentes races entre lesquelles l’accord ne régnait pas toujours et qu’il y avait en Hongrie une question de nationalités. La moitié environ de la population qui était de race magyare prétendait imposer au reste des habitants : Allemands, Slovaques, Roumains, Ruthènes, Croates, Serbes, le respect de sa race par le respect de sa langue, de sa suprématie politique et de sa civilisation. Des incidents violents s’ensuivaient au Parlement, dont les ministres eux-mêmes ne sortaient pas toujours indemnes. Témoin la blessure au front que fit au président Khuen-Hedervary, le 21 mars 1910, le jet d’un encrier par un député irascible. L’obstruction était en outre un procédé courant.
À vrai dire, les rapports de l’Autriche et de la Hongrie fixés par la Pragmatique Sanction de 1723, la loi constitutionnelle de 1848 et le compromis austro-hongrois de 1867 n’étaient pas très commodes à saisir. La Pragmatique est, sous forme de loi, un contrat bilatéral entre la Hongrie et la dynastie des Habsbourg. Le roi n’est souverain légitime que s’il a été couronné par le primat de Hongrie. L’archevêque pose sur sa tête la couronne de saint Étienne qui fut roi de Hongrie.
À ce propos, l’on a remarqué, ne serait-ce que sur les timbres-poste, que la croix qui surmonte la couronne royale est fortement inclinée. Il paraîtrait que, pendant la révolution de 48, les troupes hongroises insurgées de Louis Kossuth se replièrent vers le sud du pays, sous la pression des Autrichiens et des Russes, en emportant avec elles « la sainte couronne de saint Étienne », palladium du pays. Arrivé au Danube, donc à la frontière turque, Kossuth la fit enterrer en terre hongroise à proximité d’Orsova après l’avoir placée dans une caisse avec des objets du sacre, et passa ensuite en Turquie. Ce n’est que plusieurs années après ces événements que la précieuse caisse fut retrouvée, mais le Danube avait débordé, le champ où elle était enfouie était resté inondé pendant des semaines. Les planches de la caisse étaient en partie pourries et le couvercle s’était effondré sous le poids des terres. Le manteau du sacre était fort abîmé et la croix d’or qui surmontait la couronne écrasée s’était faussée. François-Joseph défendit qu’on la redressât. Telle est l’explication la plus vraisemblable de l’état de la couronne de saint Étienne, mais des légendes en donnent d’autres.
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