Ce nouveau livre constitue une référence à tous points de vue. Tout en soulignant la majesté du Capital Ship de la Marine nationale et de son fer de lance, le Rafale, l’ouvrage se présente en fait comme une analyse exhaustive de la place des porte-avions dans les politiques de défense et la stratégie navale. Tel était l’objectif que s’était donné Jean-Michel Guhl, secrétaire général de l’Association des journalistes de défense, en entreprenant cet ouvrage. Il nous offre ici une réalisation totalement aboutie.

Fédérant les expertises – responsables politiques, états-majors, opérationnels, membres d’équipage, industriels et universitaires – l’auteur a su parfaitement associer de splendides illustrations à des textes de qualité. Le tout est mis en lumière par une maquette très efficace valorisant à toute occasion les technologies françaises qui ont été nécessaires à ce système de systèmes qu’est le porte-avions Charles-de-Gaulle. Ayant séjourné à bord à maintes reprises, notamment lors des manœuvres « Agapante » et « Red Shark » en 2004 dans l’océan Indien, mais aussi dans le passé sur le Clemenceau et le Foch, Jean-Michel Guhl démontre et explique ici en quoi un porte-avions se présente comme l’un des instruments-clé d’une politique extérieure ambitieuse, celle de la France, une puissance navale nucléaire, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU qui veut jouer un rôle dans les affaires du monde.

S’ouvrant sur une préface de Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense, le livre se poursuit par une réflexion percutante sur la place de la dissuasion dans notre défense que l’on doit au sénateur Serge Vinçon, président de la Commission de la défense du Sénat. Les 400 pages du livre décrivent ensuite en détail les aéronefs du Groupe aérien (Rafale, Super-Étendard modernisé, Hawkeye, hélicoptères) ainsi que l’ensemble de l’environnement d’une force aéronavale à la mer : frégates, ravitailleurs, sous-marins, avions de patrouille maritime. Aux résultats, la plupart des bâtiments de la Marine nationale ont trouvé leur place, peu ou prou, dans cet ouvrage. Fer de lance du Groupe aérien embarqué, le Rafale fait l’objet d’un traitement privilégié, les chapitres s’enrichissant de nombreux encadrés sur ses équipements (systèmes électroniques, moteurs). Du missile nucléaire ASMP, aux missiles de croisière conventionnels, en passant par l’A2SM et le système Aster, tous les armements embarqués sont exposés, une occasion de découvrir en ce domaine des documents tout à fait inédits. La dimension interalliée de l’action du Charles-de-Gaulle n’a pas non plus été oubliée, spécialement la coopération franco-britannique, ce qui donne l’occasion de décrire précisément le destroyer type 42 HMS Gloucester qui lui a servi d’escorte dans l’océan Indien.

Observateur attentif de notre défense depuis trente ans, Jean-Michel Guhl aborde ensuite les opérations aéronavales du XXI^e siècle. À ce titre, les Unmanned Combat Air Vehicles (UCAV), les systèmes d’information, ainsi que les projets de porte-avions futurs développés à travers le monde font l’objet de chapitres particuliers, registre où l’on retrouve le PA2, le second porte-avions qui doit épauler le Charles-de-Gaulle à l’horizon 2015. Prenant en compte la révolution dans les affaires militaires (RMA), un sujet peu traité en France, Jean-Michel Guhl nous invite à mieux connaître la contribution des satellites à l’action du groupe aéronaval, la guerre électronique dans toutes ses dimensions et les architectures de combat info-centré en réseau (avec un chapitre spécialement consacré aux liaisons de données tactiques).

Professionnel, le ton reste accessible à tous, d’où un livre très pédagogique sur la stratégie navale contemporaine et les technologies mises à son service. En refermant ce livre magnifique, on retiendra que le porte-avions Charles-de-Gaulle et son Groupe aérien constituent désormais un instrument totalement rodé, un outil au service de la posture stratégique de la France qui n’attend plus qu’un alter ego pour donner sa pleine cohérence à notre défense. ♦