Des armes à l'Allemagne ? (I)
Parmi tous les thèmes de discussion qui agitèrent l’opinion allemande dans ces derniers mois et ces dernières semaines, nous ne pensons pas qu’aucun ait soulevé de plus intenses remous que celui du réarmement, ou pour employer le terme peu euphonique en usage, de la « remilitarisation » de l’Allemagne occidentale. Thème d’autant plus passionnant qu’il s’accompagnait d’une aura de mystère, de chuchotements et de rumeurs. Discussion d’autant plus passionnée qu’elle était tenue de s’entourer d’un certain secret. Quelques exceptions mises à part, que nous signalerons dans les pages qui suivent, elle n’a pas été menée au grand jour de la presse : après la condamnation solennelle portée par le vainqueur sur le militarisme allemand et sur tout ce qui pourrait le ressusciter, le thème du réarmement allemand n’est tout de même pas encore de ceux qui se traitent sur la place publique.
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Le chroniqueur de demain aura à retenir comme un point de départ essentiel dans l’histoire du débat, une conférence de presse tenue à Francfort vers la mi-novembre 1948, par un journaliste de talent, directeur d’une des meilleures revues présentes d’Allemagne, le Dr Eugène Kogon. Après avoir présenté à la centaine de journalistes allemands de toutes nuances présents un rapport sur un Congrès romain de l’Union européenne des Fédéralistes auquel il venait d’assister à Rome, l’orateur glissait à un thème d’une plus brûlante actualité. Il attirait l’attention de son auditoire sur un fait intérieur grave : les signes encore discrets, mais tous les jours plus apparents, d’un réarmement de l’Allemagne occidentale. Il y avait là une évolution interne ayant déjà la consistance d’un fait et dont ne paraissaient pourtant pas se douter (l’orateur employait l’adjectif ahnungslos) les hommes qui eussent dû les premiers en être informés, les Allemands officiellement investis de la responsabilité du destin de leur peuple.
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