Les larmes de l'honneur, 60 jours dans la tourmente du Rwanda
Les larmes de l'honneur, 60 jours dans la tourmente du Rwanda
L’ONU par sa résolution 929, autorise, le 22 juin 1994, l’opération Turquoise. Réclamée par la France à la communauté internationale, dénoncée par le Front patriotique rwandais (PFR) forte de 15 000 hommes, la coalition d’États francophones (France, Sénégal, Guinée, Congo, Tchad et Mauritanie) va tenter de mettre un terme au massacre en cours et de porter secours à la population d’un pays méconnu du grand public, le Rwanda.
Noble cause que celle des hommes se déployant sur le terrain en vue de faire respecter la résolution de l’ONU ; noble cause que celle de sauver de la mort des hommes, des femmes et des enfants pris dans la tourmente de combats qui les dépassent. Ces hommes défendant une noble cause vont agir en permanence sur le fil du rasoir. Une mission à haut risque. Une mission où le plus grand danger n’est pas celui du combat. La conquête du pouvoir par la violence, la stratégie de la terreur, l’horreur d’une guerre civile partout présente, mais pas forcément la guerre des Rwandais lorsque les enjeux sont planétaires et le gain espéré celui de l’accès aux ressources pour la plus grande puissance actuelle de la planète.
« Opération anormale » selon Madeleine Albright ; anormale aussi la relation par la presse notamment anglo-saxonne des événements ; anormalement courte la période de deux mois pendant laquelle la seule puissance volontaire pour s’interposer et arrêter le massacre a réussi à ramener la confiance dans un contexte international. Anormal également lorsque la personnalité du pays qui intervient a plus d’importance que le prix de la vie à sauver. Le terme anormal est employé des deux cotés de l’Atlantique mais pas pour les mêmes raisons…
Ce livre replace le lecteur dans les conditions géopolitiques du moment et donne encore plus au lecteur, il propose de vivre avec le groupement « Sierra ».
Le 29 juin, le colonel Jacques Hogard rejoint la zone où son unité va être engagée. La France envoie des troupes, son chef témoigne.
Officier à la Légion étrangère, désigné pour assurer le commandement d’un des trois groupements opérationnels envoyés par la France. Il nous livre le récit captivant des soixante jours de l’opération Turquoise. Son témoignage retrace la complexité de cette mission militaire tout d’abord, humanitaire certes sans passer sous silence une forte connotation, diplomatique, politique et médiatique.
Son récit n’est pas la simple narration chronologique des événements. Il retrace et se fait le porte-parole de l’implication active des hommes, les siens mais également les « autres », les pays francophones qui composent la coalition, qui malgré les soixante jours de l’opération ont tout mis en œuvre pour rassurer la population, tenter souvent avec succès d’empêcher la folie des hommes d’aller atteindre les plus fragiles, les plus démunis, les moins protégés, avec le souci permanent de rendre l’espoir au plus vulnérables.
Attention, génocide en cours !
Sur les pistes boueuses ou la campagne brûlée par le soleil, dans la forêt de tous les dangers pour les réfugiés, dans la jungle épaisse et humide ou se forgent les histoires de demain et le soldat d’aujourd’hui, ce chef en opération va devoir gérer un après-génocide et puis dans le désordre, des émeutes, des pillages, le choléra, l’exode dévastateur qu’il faudra juguler, la protection des personnes, la restauration de l’ordre, la remise en place des structures, le tout dans un contexte de stricte neutralité, avec fermeté et humanité, en favorisant le dialogue entre gens de bonne volonté sous l’œil de son pays, les pressions en tout genre, les reproches des donneurs de leçon et la presse internationale.
Alors pourquoi écrire ?
Le colonel raconte, non pas les massacres et le sensationnel, il raconte l’homme, celui du devoir accompli et du respect de la parole donnée, celui ayant la volonté de faire « quelque chose », écrivant encore une fois une page de la geste légionnaire, la noblesse d’une mission éphémère, le respect de soi et des autres, l’engagement au coude-à-coude avec les contingents africains attachés aux même valeurs d’humanité, le colonel Hogard parle. Soixante jours… dans la tourmente… soixante jours jusqu’à ce 22 août, lorsque le contingent éthiopien prend la relève, où le colonel Hogard et ses hommes quittent le Rwanda.
En mai 1998, le colonel Hogard sera convoqué devant la commission parlementaire d’information sur le Rwanda. Il témoignera en compagnie d’autres officiers. Il racontera ces soixante jours.
Ce que des hommes de bonne volonté, quelle que soit leur nationalité, peuvent faire pour l’honneur en soixante jours, ils l’ont faits.
Seulement soixante jours pour l’honneur dans la tourmente du Rwanda. ♦