In Memoriam : Giraud
Le 10 mars 1949, la nouvelle éclatait que le général Giraud se voyait décerner par le gouvernement la Médaille militaire. Hospitalisé à Dijon à l’hôpital militaire Montmuzard, il recevait cette récompense suprême des mains de l’un de ses plus intimes collaborateurs, le général Dewinck. Quelques heures plus tard, le général Giraud s’éteignait au terme d’une douloureuse maladie. Le pays lui a rendu un hommage solennel le 17 mars, au cours d’obsèques nationales, à l’issue desquelles il est allé rejoindre ses pairs aux Invalides.
Avec lui disparaît l’une de nos plus prestigieuses figures militaires. « Ses exceptionnelles qualités morales lui avaient assuré le respect de tous : redouté de ses ennemis, adoré de ses hommes, il est déjà entré dans la légende », lit-on dans l’ordre du jour du ministre de la Défense nationale.
Ses actes sont encore trop proches pour ne pas être présents à la mémoire de tous : trois évasions, treize citations, tel est le raccourci éloquent de cette vie de soldat. Au-delà de ses actes, il y a les leçons qu’il nous lègue.
La première est la vertu de courage. Vertu guerrière par excellence, qui inclut à la fois la témérité et la vertu de prudence. Car s’il est prudent dans la préparation, le général Giraud est audacieux dans l’action. S’il a fait des objections à la « manœuvre Escaut », réclamant des moyens d’aviation qui lui manquent, il est en avance sur l’horaire prévu dans la pénétration en Hollande. S’il parvient sans encombre en Suisse, en avril 1942, c’est que pendant quinze mois il a tissé à la fois le réseau de ses intelligences et le câble de son évasion. L’ennemi le sait, qui offre 100 000 marks de récompense à qui s’emparera de lui.
Cette vertu de courage, le général Giraud s’y est préparé de longue date, et l’a entretenue sans faiblir dans sa terre d’action de prédilection, l’Afrique. Que ce soit dans le Rif en 1925, où sous les ordres du général Corap il participe à la reddition d’Abd-el-Krim, ou au Tafilatet en 1932, au Sagho ou au Kerdouz en 1933, il est l’entraîneur d’hommes qui brise toute résistance.
La deuxième vertu que le général Giraud lègue à ses successeurs est la vertu d’abnégation. « Il n’y a ni disgrâce ni injustice pour le soldat qui accepte la retraite, comme il a accepté l’action, et qui sait se taire comme il a su agir », dira de lui M. Ramadier, parlant au nom du gouvernement.
À ces vertus, il faut une cause profonde, un dénominateur commun : c’est la foi dans les destinées de la Patrie. À l’heure la plus sombre, la lettre du général Giraud à ses enfants témoigne de cette certitude qu’animent tous ses actes : le soldat dépasse les sacrifices du père : « Rappelez-vous que l’ouragan passera, mais que la mère patrie demeurera pour toujours. »
En témoignage de fidélité faisons nôtre cette conclusion de M. Ramadier : « La mort n’emporte ni ces actes, ni ces leçons. Le général d’armée Giraud a sa place parmi les libérateurs du territoire. La France atteste sa reconnaissance et gardera son souvenir. » ♦