L'Année du Maghreb 2004
L'Année du Maghreb 2004
L’année du Maghreb est un ouvrage réalisé par l’Institut de recherche et d’étude sur le monde arabe (Iremam). Il succède à L’Annuaire de l’Afrique du Nord, édité par le CNRS, dont la première parution date de 1962, et dont le dernier numéro date de 1992. Comme son prédécesseur, L’Année du Maghreb a pour vocation d’analyser l’actualité maghrébine sur une année, en l’espèce 2004.
Une première partie du volume constitue un dossier de recherche sur le thème « l’espace euromaghrébin : des hommes au péril des politiques ». Une deuxième partie est consacrée à une revue des cinq pays du Maghreb présentant pour chacun une chronologie politique suivie de quelques textes éclairant des points particuliers. Une troisième partie est constituée d’analyses du Maghreb portant successivement sur la culture et la société, le droit et les économies. Enfin, la dernière partie, fidèle à sa vocation de compte-rendu sur l’actualité des travaux scientifiques, porte sur l’historiographie de la question de l’Algérie.
Cet ouvrage met clairement en évidence la difficulté qu’éprouve l’Union européenne à organiser ses relations avec le Maghreb ou, plus exactement, avec les pays du Maghreb. Le Processus de Barcelone avait suscité de grands espoirs et, dix ans après la Déclaration de Barcelone, force est de constater que les succès ne sont pas si nombreux qu’escomptés.
Entre « politique de voisinage » et recentrage prioritaire sur la Méditerranée occidentale, l’UE s’efforce de donner un nouvel élan à la coopération. Ces solutions se situent cependant en retrait de l’ambitieux projet du processus euro-méditerranéen. L’exemple de l’évolution des relations du Maghreb avec des pays comme le Portugal et l’Espagne est significatif des difficultés rencontrées.
Cette situation est d’autant plus délicate que le Maghreb paraît de plus en plus comme un espace tampon entre l’Afrique sub-saharienne et l’UE. Les flux migratoires venus du Sud font du Sahara une nouvelle jonction intercontinentale où les migrants illégaux se heurtent au « mur de Schengen », disparaissent en mer ou errent au Maghreb. Les différents auteurs des articles qui composent cette analyse mettent en garde le lecteur sur les conséquences de cette situation, tant sur le plan humain que politique et économique. Ils discernent cependant, à travers ces bouleversements, des facteurs d’évolution des sociétés maghrébines. Ils ne manquent pas, enfin, de proposer des pistes pour relancer un partenariat euro-méditerranéen en complément de la politique de voisinage.
Après cette analyse globale des relations entre Maghreb et Union européenne, le point de situation politique en Algérie fait apparaître qu’il n’est pas possible de dégager des certitudes pour l’avenir de ce pays. Certes des réformes ont été entreprises, mais la crise politique perdure en grande partie et n’offre pas les conditions nécessaires au succès des démarches économiques entreprises.
La Libye est revenue, en 2003, dans la normalité internationale. Forte de sa production pétrolière, elle s’efforce de se rapprocher des États-Unis et de l’Union européenne. Cependant, son intégration au Processus de Barcelone n’est pas assurée et ses relations avec les pays arabes suscitent toujours autant de réticences. Vis-à-vis de l’Union du Maghreb arabe (UMA), l’attitude est réservée ; seule la politique de soutien de l’Afrique sub-saharienne semble engendrer quelques succès. Cependant l’immigration clandestine vers l’Europe ne manque pas de créer des difficultés intérieures à la Libye et d’envenimer ses relations avec certains pays africains.
Des signes de renforcement de l’alliance entre les États-Unis et le Maroc sont apparus, depuis les attentats du 11 septembre 2001, avec la signature de l’accord de libre-échange et avec le soutien marocain à l’initiative pour le Grand Moyen-Orient de G.W. Bush. Parallèlement, le Maroc s’est efforcé de progresser dans de nombreuses directions : création de l’instance « équité et réconciliation », endiguement de l’islamisme, gestion du champ religieux, code de la famille, lutte contre la culture du cannabis… Cependant, la question du Sahara occidental continue de peser sur les relations du Maroc avec ses voisins, tandis que la société connaît de nombreux facteurs d’instabilité (pauvreté, analphabétisme, représentation politique de l’islamisme, aspirations démocratiques, mouvement amazigh, appel à la refonte de la constitution…) qu’assume le gouvernement dans sa recherche d’une nouvelle voie. Cette situation présente des risques pour la monarchie.
La Mauritanie, en 2004, s’inscrit dans les suites de la tentative de putsch du 8 juin 2003. En septembre, une tentative de coup d’État « mise en échec » est annoncée. La situation dévoile un véritable malaise dans les armées que le rapprochement du pouvoir avec les États-Unis et avec Israël ne fait qu’exacerber. La défiance des militaires à l’égard du président Ould Taya est particulièrement forte.
En Tunisie, les élections d’octobre 2004 ont donné 94,48 % des suffrages au président Ben Ali et 152 sièges sur 189 au RCD, le parti du pouvoir. À l’issue des élections, la morosité et la résignation sont générales. Les États-Unis dénoncent par la voix du porte-parole adjoint au Département d’État, la non-transparence du scrutin. La France apporte son soutien au président tunisien. Le pays est soumis à un véritable verrouillage sécuritaire et la société civile est limitée à une dizaine d’associations ou d’organisations professionnelles indépendantes de l’État. Ce panorama est complété d’un point de vue assez pessimiste sur l’hôtellerie en Tunisie et des résultats en demi-teinte d’une étude sur les écoles en milieu défavorisé dans le grand Tunis.
Ce tour d’horizon étant clos, l’ouvrage apporte des éclairages particuliers sur les sociétés maghrébines. Tout d’abord sur les causes et conséquences de l’évolution du peuple algérien, puis sur les obstacles à la démocratisation au Maghreb. L’adoption de statuts juridiques adaptés aux statuts personnels et successoraux, inspirés par les standards démocratiques occidentaux, est ensuite confrontée à la référence identitaire tirée de l’islam.
Enfin, la spécialisation des relations économiques des pays tiers méditerranéens avec l’UE est mise en lumière. Elle engendre la fragmentation du processus de production en plusieurs étapes.
Cette situation impose aux pays en développement d’adopter une stratégie mettant en place des politiques commerciales et industrielles adaptées.
« L’état des travaux » qui clôt l’ouvrage invite à une analyse objective de la colonisation de l’Algérie et de la guerre d’indépendance algérienne, indépendamment des contentieux franco-algériens. Il comprend également la présentation d’une étude conduite sur trois ouvrages de témoignages de combattants du FLN, parus en 2004. Cette étude s’efforce d’identifier les motivations des auteurs et les raisons de la libération de la parole.
L’Année du Maghreb 2004 constitue un point de situation tout à fait intéressant sur notre voisinage du sud de la Méditerranée occidentale. Synthétique il permet de mieux comprendre les difficultés à résoudre et les enjeux des relations entre l’Union européenne et cet espace maghrébin. ♦