Lascaris d'Arabie (roman)
Lascaris d'Arabie (roman)
Saluons la réédition, en format de poche, d’un superbe roman historique. Lascaris de Vintimille est un joli héros. De très noble ascendance, né à Nice, chevalier de Malte, l’aventure le rejoint à Alep, où il mène, en 1806, la vie d’un Levantin médiocre. Le titre évoque Lawrence d’Arabie. Et pour cause : chargé d’une mission imprécise par le consul de France à Alexandrie, Lascaris se met en tête, cent ans avant Lawrence, de soulever les Bédouins de Syrie contre les Ottomans afin de préparer la voie aux armées impériales. Ainsi se réaliserait le rêve qu’on prête au Bonaparte de la campagne d’Égypte.
Stratège d’occasion, le chevalier de Vintimille conduira à la victoire les tribus qu’il s’est gagnées, manquera de peu une alliance avec les Séoud en leur gloire première, connaîtra enfin une déconfiture prévisible : en 1812, Napoléon à Mos cou a d’autres soucis que l’Orient arabe. Le malheureux Lascaris finira sa vie au Caire, précepteur d’un jeune homme peu studieux, mais fils de Méhémet Ali.
L’aventure est à toutes les pages. Nous rencontrons Lady Stanhope à Damas, et Burckhardt, premier Occidental à entrer à La Mecque. Nous visitons la cour de Séoud, dont les wahhabites austères ont mis à sac Kerbela et nettoyé les lieux saints des symboles qu’ils jugent idolâtres. Mais surtout, nous vivons avec les nomades. Les Bédouins ont séduit Lascaris. Ils ont aussi séduit Jean Soublin. L’auteur se révèle fort compétent. Il connaît le désert et les pierres noires qui, dans la nuit froide, exhalent la chaleur du jour ; il connaît les nomades, « guerriers insaisissables qui combattent sans vaincre et sans jamais être vaincus » ; il connaît leurs chameaux, et ce qu’il faut d’arabe pour en bien parler.
Tous ces matériaux, précieux, ne seraient rien sans le style qui les assemble. Le livre se présente comme un dossier diplomatique établi par quelque agent après la mort de Lascaris. L’artifice permet à Jean Soublin d’écrire en langue d’époque : un régal ! ♦