Le grand retour du Nucléaire
Le grand retour du Nucléaire
Spécialiste reconnue du nucléaire, Marie Hélène Labbé, professeur à l’Institut d’études politiques de Paris, ajoute cet ouvrage synthétique et clair à la liste copieuse qu’elle a consacrée à ces questions. S’agissant du nucléaire civil il est sûr que, vingt ans après la catastrophe de Tchernobyl sur laquelle elle s’étend longuement, on assiste à un revirement de bien des États à l’égard des centrales nucléaires qui représentent une alternative sérieuse aux hydrocarbures avec leurs prix élevés et les effets directs sur le réchauffement climatique. La Commission européenne, dans sa communication du 10 janvier 2007 sur la politique énergétique de l’Union a brisé le tabou sur le nucléaire en en énumérant bien des avantages.
Pourtant, bien des craintes à l’égard de l’atome civil n’ont pas disparu. Le devenir des déchets radioactifs reste discuté, la sûreté des réacteurs n’est pas encore certaine comme l’ont montré les incidents survenus en Suède en juillet 2006. Et que dire lorsque le nombre de centrales aura considérablement augmenté dans des pays aux traditions de sécurité et de contrôle encore non éprouvés ? Mais ces questions ne sont pas insolubles surtout au moyen d’une coopération internationale accrue comme il convient de le souhaiter. Il est vrai, que le débat public sur le nucléaire reste l’apanage du petit milieu de spécialistes. Là aussi des progrès réels sont possibles comme la mise en place d’autorités de sécurité indépendantes, comme ce fut le cas pour la France, pays pourtant à forte tradition étatique centralisée.
Plus préoccupants sont les dangers liés à la prolifération en chaîne qui élèvent les risques de guerre et du terrorisme nucléaire. L’auteur examine dans le détail les cas de la Corée du Nord et de l’Iran. Les experts divergent assez largement sur la date à laquelle Téhéran pourrait accéder à la bombe, 2007 pour Israël, 2009 ou 2010 pour l’ISSS de Londres ou les think tanks américains. La possession d’un arsenal militaire crédible demanderait encore une demi-décennie. Mais au-delà de ce cercle de huit ou neuf puissances nucléaires déclarées, est-il envisageable de prévoir, à l’horizon 2030, 25 puissances nucléaires ? Le tour du monde prospectif qu’elle entreprend se confine en Asie à la Corée du Sud et au Japon, Taïwan peut-être. Au Moyen-Orient à la Turquie, l’Égypte et l’Arabie saoudite. Est-il crédible d’y inclure la Syrie hors d’une aide massive de l’Iran ou de la Russie ? Quant à l’Amérique latine, seul le Brésil paraît un candidat sérieux, plus pour des raisons diplomatiques (il calque son comportement sur celui de l’Inde candidate comme lui à un siège permanent au Conseil de sécurité) que strictement militaires.
En dehors d’un conflit nucléaire, hypothèse pour le moment peu crédible, le véritable danger proviendrait donc de l’utilisation de l’arme nucléaire par des groupes terroristes. Marie-Hélène Labbé montre bien que le relâchement actuel des contrôles comme des sécurités tout au long de la chaîne nucléaire est lourd de menaces à terme. Plus encore que la relative perte de crédibilité du système de contrôle international du cycle nucléaire, à laquelle on assiste, c’est sur cette menace qu’il convient principalement de se concentrer dans les mois à venir. ♦