Après la conquête des territoires, celle des esprits ; nouveaux enjeux en perspective qui provoqueront l’affrontement des puissances du XXIe siècle. Il est donc urgent d’approfondir le lien entre stratégie et culture, afin de séduire et d’influencer.
La séduction : une nouvelle stratégie militaire
Charm-a new military strategy
After the conquest of ground, that of minds; new issues will trigger power conflicts in the twenty-first century. We must urgently strengthen the link between strategy and culture, in order to be able both to charm and to influence.
L’installation d’un monde multipolaire aura pour corollaire un nécessaire partage de la puissance sur le monde, qu’il faut préparer dès aujourd’hui. Chaque futur pôle de puissance devra garantir sa propre survie alors qu’il subira une forte pression pour qu’il adopte les valeurs, les normes, les modes de pensées et les comportements des plus puissants. Dans le cadre de stratégies globales de puissance, les pôles définiront des stratégies particulières, dont la militaire qui est basée sur l’emploi des armes. Mais l’histoire rappelle aisément que si le sort des batailles se joue effectivement avec des armes qui tuent, on parle alors d’emploi de la puissance militaire, l’avenir de la guerre se joue en termes de puissance stratégique avec des armes qui influent sur les esprits, on parle alors d’influence.
Les confrontations passées ont laissé dans l’inconscient des mémoires des souvenirs de destruction mutuelle assurée dont celles-ci ne veulent plus. La conquête des espaces, qui marquait l’accroissement de la puissance jusqu’à la fin du XXe siècle, n’est plus la réponse moderne à cette aspiration stratégique. Le développement des sciences de l’information et des transports a porté au-devant de la scène la conquête des esprits à la place de la conquête des territoires : les notions de Lebensraum, d’Hinterland, d’empires coloniaux, de glacis et autres arrières stratégiques semblent dépassées pour laisser la place à la conquête d’espaces culturels. Les civilisations semblent aujourd’hui moins se fixer sur la notion statique de territoire pour accroître leur puissance ; elles tentent plutôt de pénétrer les couches de sociétés tierces pour les transformer. Il y a donc un combat d’interpénétration culturelle où la puissance se fait capacité de séduction, donc d’influence, à fin de domination.
Ce combat a déjà été engagé entre des entités qui sont sorties de leur territoire d’origine : l’Europe, l’Amérique, le monde musulman et d’autres auparavant. Ce fut aussi le cas avec le monde communiste au XXe siècle qui a été contenu avec des armes mais qui a été battu par des aspirations qui ont pénétré sa société. Demain viendront les vigoureuses et fascinantes civilisations orientales qui useront de leurs techniques propres pour pénétrer nos sociétés au plus profond. Elles placeront nos stratèges devant l’obligation de redéfinir les notions de barrage et de corridor, de redéploiement, de profondeur de champ et de ligne de confrontation ; et toutes sortes de principes d’opérations, de modes d’actions qui permettront de contenir cette influence portée par des milliards d’intelligences envahissantes ! Face à une telle menace, qui sera stratégique parce qu’elle touchera à la survie de la société dans son mode de vie, quelle sorte de supériorité la puissance militaire confèrera-t-elle ?
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