Recherches scientifiques et défense nationale
« Fatigués et rassasiés du spectacle des cieux, nous ne daignons plus lever les yeux vers ces palais de lumière. »
Lucrèce II.1037.
Tout Français préoccupé du rayonnement intellectuel de son pays ne peut que constater, avec amertume, l’éclipse apparente actuelle de la Science Française, qui brilla pourtant dans l’autre siècle d’un éclat incomparable. Jusqu’en 1915, depuis 1901, première année de l’attribution du Prix Nobel, on relève neuf noms français parmi les savants lauréats de ce Prix international : Pierre et Marie Curie, Moissan, Laveran, Lippmann, Marie Curie, Grignard, Sabatier, Carrel, Richet. Depuis les noms français se sont espacés : Perrin, en 1926, Nicolle en 1928, de Broglie, en 1929, puis Frédéric et Irène Joliot-Curie, en 1935. Pourtant, on entend résonner les noms de tant d’organismes, aux initiales hermétiques, qui semblent cacher des trésors de science, que le profane inquiet se rassure en pensant qu’une organisation solide et bien tassée fait germer de bons grains prometteurs d’une abondante moisson ; vite découragé par cette multiplicité d’organismes, il n’insiste pas. Or, il n’est de dédale — ou de labyrinthe — qu’un esprit cultivé ne puisse explorer en filant lui-même son propre fil d’Ariane, et l’organisation de la science, tout comme la Science elle-même, doit tendre à l’évidence.
L’universalité qui caractérise ses méthodes a permis qu’on emploie, pour désigner l’ensemble des activités scientifiques, ce singulier générique : « la recherche scientifique », bien que les recherches scientifiques fussent extrêmement variées. Communes dans leur philosophie, en ce qu’elles expriment la tendance de l’esprit humain à la connaissance du monde par la méthode cartésienne, elles sont diverses par leurs objets, par leurs disciplines, par les tournures d’esprit de leurs maîtres, de leurs exécutants. Il y a aussi des « recherches techniques ». Mais c’est devenu une banalité que de dénoncer le caractère artificiel de cette distinction ; les unes ne sont que le prolongement des autres, dans un cycle ininterrompu où il n’y a plus ni tenant, ni aboutissant.
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