Marine - Marine marchande et Marine nationale : une coopération d'actualité
Dès l’origine la Marine marchande a été, naturellement, un élément essentiel de la puissance navale. Petit à petit cette situation s’est structurée. Ainsi connaissions-nous, en France, dans les années 70, la Copand (Commission permanente d’adaptation des navires à la défense), la FAO (Force auxiliaire occasionnelle), la FMC (Force maritime de complément), les EOR Marmar (officiers de réserve issus des écoles de formation de la Marine marchande), etc. Puis, sans doute par un effet pervers de l’« interarmisation » ou de la suspension du service national, ces structures ou organisations sont plus ou moins tombées en désuétude, alors même que la situation géopolitique et la conjoncture budgétaire auraient dû au contraire leur donner un nouveau souffle.
Il n’est pas étonnant, alors, qu’un des premiers groupes de travail constitués par le tout jeune Cluster maritime français (CMF) ait été consacré à la coopération Marine marchande-Marine nationale. Certes le chef d’état-major de la Marine, l’amiral Oudot de Dainville, avait été, courant 2005, l’un des plus ardents défenseurs du projet commencé par l’Institut français de la mer (IFM) visant à doter notre pays d’un tel cluster, lequel faisait cruellement défaut à l’économie de notre pays. Certes, le président dudit IFM n’avait jamais oublié le soutien que sa société avait apporté, au temps de la guerre froide, au groupe aéronaval français déployé en Méditerranée orientale, en concluant avec la Marine le dossier d’affrètement du pétrolier Port-Vendres, lequel pendant plusieurs années allait opérer au sein de la Task force. Surtout, le rapport rendu en mars 2007 (www.cluster-maritime.fr, rubrique téléchargement) par ce groupe de travail constate le fort intérêt ressenti tant par la Marine marchande que par la Marine nationale pour une nouvelle dynamique de coopération.
Les raisons premières citées sont les besoins de sûreté et de sécurité des usagers de la mer, et la prise en compte des questions écologiques. La montée en puissance en ce début de XXIe siècle du fait maritime, les nouveaux enjeux de sécurité et de défense (pensons à la vulnérabilité de nos approvisionnements stratégiques, qu’ils soient énergétiques, alimentaires…) ne peuvent qu’inciter à un rapprochement de nos deux marines dans l’intérêt supérieur de notre pays, de l’Europe et de leurs partenaires. Par ailleurs l’exploitation massive, dans tous les domaines, des océans conduit naturellement les responsables à une approche globale de leur protection, pour la sauvegarde même de l’humanité. Enfin, la contrainte budgétaire pèse aussi bien sur la Marine nationale (conséquence de la dette de l’État) que sur la Marine marchande à la recherche constante de gains de productivité dans un marché mondialisé. On voit ainsi se conjuguer très naturellement l’analyse de la Marine nationale (meilleur contrôle des océans et des approches maritimes, appel à la sous-traitance et à la réserve militaire) et celle de la Marine marchande confrontée au terrorisme maritime et à la recrudescence des crises d’une part, à une concurrence qu’elle juge parfois déloyale pour les affrètements du ministère de la Défense d’autre part. Enfin certains industriels se disent intéressés par les problématiques posés et prêts à proposer des solutions aux préoccupations économiques et opérationnelles des armateurs et de la Marine nationale.
La réflexion de ce premier groupe de travail s’est plus particulièrement focalisée sur quatre domaines.
Le partage d’une information fiable et actualisée (situation maritime en mer, environnement côtier, infrastructures portuaires). Le groupe recommande la désignation d’un centre unique d’échange d’information, l’élaboration d’un guide commun de recueil et d’échange de l’information, la définition d’une procédure de contact entre les capitaines des navires marchands et les représentations françaises à l’étranger…
Le transport maritime au profit des forces armées. La réflexion a été bien évidemment conduite en concertation avec l’état-major des armées dont les prérogatives réaffirmées ou renforcées par le décret de 2005 l’ont conduit à se doter d’un Centre multimodal de transport (CMT) qui sera à terme l’unique interlocuteur « Défense » en matière de transport maritime. Outre le strict respect du Code des marchés publics, le groupe souligne la nécessité de prendre en compte des critères de qualité et de fiabilité conformes aux directives européennes de sécurité maritime, de protection de l’environnement, etc. Une culture générale maritime, et pas seulement navale, sera nécessaire au sein de ce CMT. Les membres compétents du Cluster maritime français pourraient être utilement associés à l’élaboration des documents interministériels (règles techniques et déontologiques, critères d’éligibilité à un appel d’offres d’affrètement, optimisation du code des marchés publics…).
L’emploi des réservistes issus de la Marine marchande. Le groupe a pu constater que la Marine nationale avait rapidement réagi à la promulgation de la loi (1999 modifiée 2006) portant organisation de la réserve militaire et noter l’intérêt partagé par les deux marines à propos des dispositions retenues, lesquelles ne demandent qu’à être amplifiées (tenue à jour des listes de réservistes « opérationnels », augmentation des capacités d’accueil des préparations militaires PMS et PMM, stages embarqués, modalités de rappel d’urgence pour des missions de transport maritime de défense en zone de crise…).
L’adaptation des navires de la Marine marchande. « L’assoupissement » de la Copand est unanimement dénoncé, tant il nuit au maintien d’une culture commune et à l’acquisition, à moindre coût, de capacités utiles en temps de crise que les armateurs français s’honoreraient de pouvoir proposer. Outre la mise à jour du besoin matériel des armées, le groupe a souligné la nécessité de clarifier le cadre juridique d’emploi de ces moyens. Notons également que la Marine marchande émet à cette occasion le besoin de discuter avec les forces armées des spécifications d’installations à mettre en place sur ses navires pour faciliter l’action éventuelle des forces de contre-terrorisme maritime. Le soutien qu’elle pourrait mieux apporter aux interventions sous la mer en cas de catastrophe (recherche de boîte noire…) ou dans le cadre du sauvetage d’un sous-marin a également été évoqué.
Le compte rendu liste un certain nombre de propositions concrètes, argumentées et commentées, laissées à l’appréciation des autorités compétentes, mais pour l’étude plus approfondie desquelles le Cluster maritime disait se tenir, si elles le souhaitaient, à leur disposition, comme le souligne la conclusion : « …dans le nouvel environnement caractérisé par l’accroissement des enjeux sécuritaires et un contexte budgétaire contraint, une perspective de renouvellement de la coopération entre les deux marines se fait jour. Elle est appuyée par une volonté forte des acteurs de renouveler et d’approfondir le dialogue afin de tirer un maximum de synergies tant au niveau du personnel que des moyens. Les propositions dégagées par le groupe de travail tendent vers cet objectif. Dans chacun des axes de travail dégagés, elles sont l’aboutissement d’un travail mené, sous l’égide du Cluster maritime français, dans un souci de collégialité, gage de pertinence et d’efficacité. Dans le même esprit, les propositions approuvées et retenues feront l’objet d’une réflexion collégiale pour leurs modalités de mise en œuvre ».
En fait, le « feu vert » de l’EMA et de l’EMM d’une part, d’Armateurs de France d’autre part a été signifié au cours de l’été. Cette deuxième phase se met donc en place aujourd’hui (septembre 2007) entre les professionnels concernés, lesquels vont « entrer dans le concret » par un dialogue approprié. ♦