Pages d'histoire - Un aventurier oublié : Ouvrard
Spectacle curieux que celui de l’armée française, dite « des Pyrénées », rassemblée aux environs de Bayonne dans les premiers jours d’avril 1823. Les mesures incohérentes du gouvernement, des influences politiques divergentes l’avaient réduite à un tel dénuement que, l’avant-veille même de l’entrée en campagne, elle ne disposait que de quelques jours de vivres et qu’elle n’avait ni fourrages, ni moyens de transport, ni services administratifs, ni un nombre suffisant de médecins et de chirurgiens.
Cependant les troupes franchirent la frontière le 7 avril au matin, date fixée par une décision subite du ministère. Elles furent ravitaillées, leurs transports à peu près assurés et la guerre fut terminée en quelques mois, sans trop de pertes. Le mérite, si l’on peut dire, de cette transformation reviendrait à un certain Ouvrard, personnage déjà célèbre par une vie aventureuse et par d’immenses richesses amassées, alors qu’il était entrepreneur des subsistances de la guerre et de la marine. Il avait réussi à persuader le généralissime que, s’il était nommé munitionnaire de l’armée, les troupes seraient ravitaillées en tout temps et les transports assurés. Malheureusement des méthodes séduisantes et audacieuses, qu’il était sans doute seul capable d’appliquer avec succès, furent accompagnées d’une série d’actes arbitraires qui le rendirent suspect dès le début : exactions, défauts de paiement, réquisitions irrégulières imposées aux alcades, contrats léonins avec ses sous-traitants, rachats de créances à vil prix, redditions de comptes fantaisistes et autres graves irrégularités.
En même temps, on reprochait au gouvernement les concessions onéreuses faites à Ouvrard dans les marchés passés à Bayonne. D’où interpellations à la Chambre des députés, enquêtes, procès devant toutes les juridictions successives, commerciale, civile, criminelle et môme devant la chambre des pairs. L’instance dura cinq ans, qu’Ouvrard passa en prison préventive, sans aboutir à des preuves nettes ou à des sanctions, cependant que d’innombrables écrits, d’innombrables mémoires justificatifs et des réponses à ces mémoires, étaient publiés sur ce que l’on avait fini par appeler tout court « l’affaire ».
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