La thèse du « Croissant chiite » suggère que l’Iran chercherait à prendre la tête d’une sphère de coprospérité pan-chiite située entre la Méditerranée et le Pamir. Si Téhéran s’est effectivement appliqué à cultiver ses liens stratégiques avec ses coreligionnaires de la région, sa politique étrangère est loin de se limiter au pan-chiisme. Tout comme le nucléaire, le panislamisme ou le tiers-mondisme, cet axe relativement méconnu de la politique iranienne n’est que l’un des multiples moyens d’une stratégie globale visant à faire de la République islamique une puissance régionale et internationale.
La place du Chiisme dans la grande stratégie iranienne
The place of Shi'ism in Iranian grand strategy
The thesis of the ‘Shia Crescent’ suggests that Iran is looking to take the head of a ‘pan-Shia co-prosperity sphere’ stretching from the Mediterranean to the Pamir Mountains. While Tehran has been sedulously cultivating its strategic links with its co-believers in the region, its foreign policy is far from being limited to pan-Shi’ism. In the same way as nuclear, pan-Islamic or Third World initiatives, this relatively unknown axis of Iranian policy is only one of many aspects of a global strategy which aims to transform the Islamic Republic into a regional and international power.
Au cours des trois dernières décennies, le Chiisme a connu une renaissance identitaire et politique sans précédent dont atteste le dynamisme religieux et politique des communautés d’Asie centrale et du Moyen-Orient. La montée en puissance de l’Iran et la réaffirmation des chiites d’Irak, du Liban et du Pakistan ont nourri la crainte dans plusieurs capitales sunnites et occidentales de voir émerger une sphère de solidarité pan-chiite sous influence iranienne s’étendant de la Grande Muraille au mur des Lamentations. De cette peur a émané au cours des dernières années la thèse du « Croissant Chiite », nouvel ensemble géoculturel occupant une position stratégique clef sur l’échiquier eurasien et source potentielle d’instabilité régionale et internationale.
S’il est évidemment trop tôt pour se prononcer sur l’éventuel avènement d’un Grand Chiistan pro-iranien, il est en revanche pertinent de s’interroger, dès aujourd’hui, sur la place du « Croissant chiite » dans la politique étrangère de la République islamique : constitue-t-il un axe important de cette politique ou est-il une simple carte destinée à servir les ambitions régionales et internationales de l’Iran ?
L’objectif de cet article est non seulement d’aborder une question d’actualité encore peu étudiée mais aussi de remettre à jour les études sur la politique étrangère iranienne jusqu’ici essentiellement concentrées sur la question nucléaire. En remettant en perspective l’élément pan-chiite, il s’agit également de mieux comprendre la logique qui sous-tend une politique étrangère iranienne qui donne souvent l’impression d’être improvisée et incohérente.
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