Lors de la 55e session plénière de l’Assemblée européenne de sécurité et de défense (Assemblée de l’UEO) du 2 décembre 2008, l'auteur, secrétaire d’État à la Défense et aux Anciens Combattants, a assuré les parlementaires qu’en dépit des impératifs de la crise financière mondiale, la présidence française de l’UE continuerait à promouvoir une stratégie ambitieuse pour le développement de la PESD.
Les avancées de l'Europe de la défense et de la sécurité
À quelques mois du dixième anniversaire de la Politique européenne de sécurité et de défense définie lors du Sommet d’Helsinki en 1999, la France a souhaité mettre l’Europe de la Défense et sa dimension citoyenne au cœur des priorités de sa présidence.
La Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) peut ainsi être, à la fois, le levier et la condition de la relance du projet européen, auquel nous sommes tous ici très attachés. Dix ans après le Sommet de Saint-Malo, « l’Europe de la défense et de la sécurité », reste, en effet, largement plébiscitée par les opinions publiques européennes, comme tendent à le démontrer tous les eurobaromètres.
Le conflit de cet été entre la Géorgie et la Russie est venu nous rappeler combien l’UE, quand elle est unie et parle d’une seule voix donne réellement corps au projet européen. La mise en place du plan de paix proposé à Moscou et à Tbilissi par le président de la République, Nicolas Sarkozy, en liaison avec les partenaires européens témoigne de notre volonté d’agir concrètement, nous Européens, pour la sécurité et la stabilité de notre voisinage continental. L’appel pour une conférence des donateurs, censée ouvrir la voie à la reconstruction économique et des infrastructures, en témoigne. Il en est de même de la volonté d’associer conjointement l’UE et l’OSCE à travers la création d’une force de police temporaire internationale placée sous leur double égide.
L’UE tend ainsi à devenir un acteur, global et autonome, en matière de défense, de politique étrangère, de sécurité à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières.
Le Conseil européen des 11 et 12 décembre 2008 est venu confirmer les hautes ambitions capacitaires, opérationnelles et industrielles que la PESD souhaite développer pour être mieux entendue dans le monde.
Parmi ces objectifs, nous pensons notamment à la mise à jour de la « Stratégie de sécurité et de défense commune pour l’Europe » (1) qui, cinq ans après sa présentation par le Haut Représentant de l’UE et Secrétaire général de l’UEO, Javier Solana, mérite d’être actualisée au regard des nouvelles menaces auxquelles nous devons faire face.
Nous savons l’importance que vous accordez à la révision, en parallèle, du concept stratégique de l’Otan (1999).
Le 60e Sommet de l’Alliance à Strasbourg/Baden-Baden, en avril 2009, devrait ainsi aboutir à une « Déclaration sur la sécurité de l’Alliance ».
Compte tenu de l’appartenance souvent croisée de la majorité de ses membres, un rapprochement entre les deux concepts stratégiques de l’UE et de l’Otan semble pertinent.
Il s’agit, en tout état de cause, de rappeler à travers ces deux documents, combien il importe de renforcer notre détermination commune à agir ensemble pour faire face aux grandes menaces d’aujourd’hui (proliférations, terrorisme, effets du réchauffement climatique, raréfaction des sources énergétiques, etc.) sans pour autant dupliquer les moyens.
Il semble impératif d’apporter une réponse aux besoins de commandement des opérations de l’UE.
En effet, la croissance du nombre de missions (une vingtaine à ce jour), leur coût, leur nature, militaires ou civilo-militaires (EUFor, EUPol, EULex), nous impose : d’assurer la continuité entre la planification stratégique et la planification opérationnelle, notamment lors du déploiement d’une force de réaction rapide ; d’assurer une meilleure coordination civilo-militaire dans les opérations de l’UE ; de renforcer les liens entre l’UE et l’Otan.
La France a ainsi pris une initiative visant à renforcer les capacités européennes de gestion de crises et de planification. Tous ces éléments tendent, en effet, à justifier la création, à Bruxelles, d’une structure permanente réduite. Ce « noyau dur » d’état-major opérationnel pourrait être composé d’une cinquantaine d’officiers, qui seraient renforcés selon les besoins (jusqu’à 150 officiers permanents). Cette coordination des moyens militaires européens aurait, par exemple, un effet, immédiat direct pour les opérations d’évacuation de ressortissants européens en zone de tensions.
L’actualité en Thaïlande tend à en confirmer le besoin.
Concernant le souci de rationalisation des structures existantes, qui s’impose en période de budget contraint, il conviendrait aussi de tendre nettement plus en faveur d’une « mutualisation » de nos forces.
Il nous faut développer une culture européenne partagée de la défense, au travers d’une plus grande interopérabilité des hommes et des matériels. J’ai eu l’occasion, à l’École militaire, devant l’ensemble des commandants d’écoles de formation d’officiers et d’universitaires venant de tous les pays européens de lancer le programme d’échanges de jeunes officiers Erasmus militaire. Cette initiative permettra aux jeunes officiers européens d’effectuer une partie de leur formation académique et opérationnelle dans un autre État membre.
Grâce à ces échanges, c’est une véritable conscience commune européenne de la défense qui naîtra chez les hommes qui la mettent en œuvre. L’existence depuis 2005 du Collège européen de sécurité et de défense (CESD) complète cette volonté de partage d’expériences. Il convient aussi de pérenniser les passerelles qui doivent être approfondies entre monde de la défense, « think tanks », entreprises, fondations et universités. Le renforcement de l’Institut d’études de sécurité de l’UE de Paris tend à répondre à ce besoin.
Par ailleurs, s’agissant des équipements, la projection des forces en opérations, à travers les trois composantes (terre, air, mer) est concernée par quelques programmes emblématiques de coopération communautaires. C’est notamment le cas : pour les hélicoptères lourds de transport dont cherche à se doter l’UE ; pour la flotte européenne de transport aérien (d’ici 2014) ; pour la création d’une unité multinationale d’A400M.
Pour compléter, cette obligation de mutualiser les moyens, une coopération aéronavale européenne ainsi que le développement de la capacité de projection d’une base aérienne deviennent des réalités. Un premier exercice européen se tiendra en France dans les prochaines semaines.
D’autre part, dans le domaine de l’information et du renseignement, le développement d’un ambitieux programme spatial européen est en cours. Le programme Musis de satellite d’observation militaire qui doit remplacer les satellites actuellement utilisés (Hélios, SAR-Lupe, Cosmo SkyMed) confirme que la fonction « connaissance et anticipation », est devenue un élément déterminant dans les théâtres d’opérations.
Pour accroître la protection des forces et leur efficacité en opérations, la présidence française de l’UE a également lancé au sein de l’Agence européenne de défense un nouveau programme de déminage maritime à l’horizon 2015.
Outre ces projets capacitaires très concrets, le renforcement durable des capacités militaires européennes était également une priorité de notre présidence.
Dans ce cadre, l’Agence européenne de défense (AED), verra ses moyens financiers et d’actions augmentés sensiblement.
En faisant de l’Occar (Organisation conjointe de la coopération en matière d’armement) le bras exécutif de l’AED, cette nouvelle gouvernance permettra de garantir la continuité du développement de certains projets européens ; depuis la phase de conception jusqu’à celle de production. Nous avons adopté, à cet effet, le budget 2009 de l’Agence, en augmentation malgré un contexte international défavorable (2).
La présidence française de l’UE, en soutenant son plan de développement des capacités, souhaite que l’AED joue un rôle déterminant dans le développement des capacités européennes critiques. Ce plan s’inscrit dans la mise en place d’une base industrielle et technologique de défense européenne (BITD) crédible.
Certes, s’il appartient aux entreprises d’initier les convergences industrielles, c’est bien aux États de faciliter la constitution de grands groupes européens de taille mondiale, qui puissent rivaliser avec les groupes industriels américains, en s’appuyant davantage sur un riche réseau de PME innovantes.
Pour cela les 27 ministres de la Défense se sont engagés, à l’initiative de la France, sur trois mesures concrètes qui portent déjà leurs fruits : un effort accru en matière de Recherche & Technologie de défense (rappelons que les Européens tous ensemble dépensent six fois moins que les États-Unis, soit 67 Md€) ; la mise en place d’un véritable espace européen d’échange d’équipement de défense, au travers du « paquet défense » de la Commission (adoption fin décembre des directives communautaires sur les marchés publics de défense et les transferts intracommunautaires) ; le renforcement des PME dans les processus d’acquisition (meilleur accès à la commande publique par exemple).
Enfin, la PFUE a poursuivi son action dans la gestion et la résolution des crises internationales.
En Bosnie, nous avons commencé la planification d’une nouvelle mission qui puisse succéder à l’actuelle opération Althea. Il pourrait s’agir, dans un premier temps, d’une mission de conseil et d’entraînement au profit des autorités bosniennes.
Au Tchad, l’opération EUFor Tchad/RCA, après une mise en place quelque peu difficile démontre aujourd’hui sa légitimité. Elle agit notamment au profit des populations civiles affectées par la crise du Darfour, et a permis de sécuriser l’action des organisations humanitaires (près de 80 ONG y travaillent). Cette mission européenne, exemplaire par sa diversité (18 nations y participent), doit désormais être relevée par une mission de l’ONU. La décision du Conseil de sécurité (résolution 1834) mentionnant son intention de déployer une force onusienne en relève d’EUFor est, par conséquent, une première étape essentielle.
Dans cette perspective, la France sera notamment en mesure de proposer des capacités critiques indispensables dans le domaine de la logistique pour le déploiement de la force onusienne en relève d’EUFor.
Sur initiative franco-espagnole, l’ensemble des États membres ont pris la décision de lancer, dans le courant du mois, l’opération navale européenne Atalante afin de lutter contre la piraterie au large de la Somalie et dans le golfe d’Aden, en application des résolutions 1814, 1816 et 1838 de l’ONU. Cette première opération navale de l’UE a pour objectif : de protéger les convois du Programme alimentaire mondial (PAM) ; d’assurer la libre circulation maritime ; de surveiller les zones les plus dangereuses.
L’opération Atalante sera commandée depuis l’état-major opérationnel de Northwood (GB), et mis en œuvre, dans un premier temps sous commandement britannique. L’exercice antipiraterie qui s’est tenu début décembre 2008 à Toulon, démontre que le dispositif est déjà pleinement opérationnel. Bien évidemment, tous les acteurs concernés, notamment l’Otan — à travers la Task Force 150 — seront prises en compte pour faire face à ce qui est devenu un fléau mondial de grande ampleur, comme l’attaque du pétrolier Sirius Star en témoigne.
En conclusion, nous voulons souligner à nouveau la réalité et les avancées concrètes de l’Europe de la défense et de la sécurité. La PESD s’inscrit bien dans une triple logique : celle de la nécessité d’une certaine autonomie dans sa phase de planification stratégique et opérationnelle ; celle de l’émergence d’une industrie d’armement européenne ; et celle de l’interopérabilité des hommes et des forces qu’ils servent.
C’est à nous de construire l’avenir de la défense européenne. L’Europe de la paix, la nôtre, et celle que nous apportons à l’extérieur de nos frontières, doit mobiliser toutes nos énergies (3). ♦
(1) Pour une Europe sûre dans un monde meilleur (www.consilium.europa.eu).
(2) Ce budget s’élève désormais à 30 M€, soit une augmentation de 2,50 M€ par rapport à 2008.
(3) L’intégralité du discours est disponible (www.defense.gouv.fr/sedac/prises_de_parole/discours).