Le changement politique spectaculaire — bien que prévisible — au Japon est autant le résultat de la faillite du Parti libéral démocrate (PLD) que la conséquence d’une crise économique profonde dans laquelle le pays du soleil levant est embourbé. Les attentes du nouveau gouvernement sont donc grandes dans le domaine des réformes économiques et sociales. Mais le Japon pourra-t-il pour autant sortir de la crise ? Par ailleurs, cette crise économique aux conséquences politiques a des effets directs sur la place du Japon sur la scène internationale, en particulier dans la relation avec ses voisins asiatiques et les États-Unis. Une évolution des solidarités stratégiques se dessine, dont les conséquences restent à évaluer.
Le gouvernement Hatoyama peut-il sortir le Japon de la crise ?
Passée une courte euphorie consécutive à la victoire historique aux élections législatives japonaises du 30 août 2009, le Parti démocrate japonais (PDJ) et le nouveau Premier ministre Yukio Hatoyama héritent d’un pays qui traverse une des plus importantes crises économique, sociale et politique de son histoire récente. Le défi est de taille : après quelques années d’embellie, et parallèlement au marasme de l’économie mondiale, l’économie japonaise est à nouveau en panne, et les indicateurs sont tous dans le rouge (1). Cette situation a des effets directs sur l’instabilité politique du pays, et la débâcle du Parti libéral démocrate (PLD), au pouvoir de façon quasi ininterrompue depuis 1955, en est le symbole.
Le produit intérieur brut (PIB) a enregistré au dernier trimestre 2008 une chute de 12,7 % par rapport à la même période en 2007. Le PIB nippon a reculé de 0,7 % au cours de l’année 2008 après neuf ans de progression. Ces mauvais chiffres n’étaient pour autant qu’un début. Le plongeon des exportations et l’austérité des acteurs économiques dans leurs dépenses intérieures ont ainsi eu raison de l’économie japonaise, qui a enregistré un recul de 15,2 % de son PIB en rythme annualisé au premier trimestre 2009, et de 4 % en non-annualisé (2). Le ralentissement s’est traduit entre novembre et décembre 2008 par un accroissement du chômage de 3,9 à 4,4 % de la population active, soit la plus forte progression mensuelle depuis 1967. Les chiffres sur l’année 2009 confirmeront que la crise s’est installée dans l’archipel, avec un taux de chômage qui pourrait avoisiner les 6 %, et surtout un redressement qui pourrait être plus tardif que dans les autres principales puissances économiques.
Cette longue et vertigineuse réduction d’activité au Japon provient d’un effondrement inédit des exportations, dû à la récession internationale, et d’une nette diminution de la consommation intérieure. D’avril 2008 à mars 2009, période budgétaire de référence au Japon, la richesse nationale produite a ainsi diminué de 3,5 % sur un an. Elle pourrait encore perdre de 3,1 % à 3,3 % au cours de l’année entamée le 1er avril dernier, selon les estimations respectives de la Banque du Japon et de l’État, car les moteurs de l’économie japonaise sont en panne (3). Les exportations japonaises ont pour leur part chuté de 40,9 % en mai 2009, par rapport à 2008, et les exportations vers les États-Unis ont reculé de 45,4 % par rapport à mai 2008, pour le 21e mois d’affilée. Dans l’automobile, la baisse est encore plus forte. Les exportations de voitures nippones outre-Pacifique ont perdu 54,8 %. Vers l’Union européenne, le recul est de 45,4 % en mai 2009, selon le ministère des Finances (4).
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