Internet est, encore aujourd’hui, une terre en friche où les règles sont rares et difficiles à appliquer. Cela en fait un lieu de confrontation d’autant plus impitoyable qu’il offre une caisse de résonance mondiale au point de vue le plus marginal. La frénésie de la course à l’événement, le goût du sensationnel stimulent une production vibrillonnante qui conduit à la surcharge cognitive. Au résultat, Internet, qui est potentiellement un formidable outil d’aide à la décision, devient une source d’égarement et de déperdition d’énergie. Une stratégie de reconquête est donc nécessaire. Reconquête sur le fond en mettant en œuvre une politique de contenu destinée à faire rayonner une production intellectuelle à la hauteur du désir d’influence de notre pays, mais aussi reconquête méthodologique destinée à s’affranchir de la tyrannie de l’actualité pour renouer avec une profondeur de champ de réflexion indispensable à toute action politique, économique et culturelle.
« Le piège de la belle », regard stratégique sur Internet
« Le piège de la belle », trente et unième des « trente-six stratagèmes » de la tradition chinoise, incite à agir à peu près en ces termes : « Intoxique ou accapare ton ennemi avec une activité consommatrice de temps ou d’énergie, de la sorte, tu diminueras son esprit combatif » (1).
Forts de la connaissance de ce stratagème et esclave de la « sérendipité » (2) développée par une pratique addictive d’Internet, nous pourrions être saisis par la peur subite d’être les victimes d’une machination qui utiliserait les mailles de la Toile pour nous asservir. Drogués par la gestion en parallèle de nombreux fils de veille. Assujettis au besoin de reparamétrer en permanence les nouvelles versions de nos outils. Obsédés par la quête d’un produit nouveau et concurrent qui déclasserait notre dispositif de mash up (3). Inondés d’informations pointillistes paralysantes.
Tel l’âne de Buridan, incapable de choisir entre le picotin et l’eau, nous ne saurions plus où donner de la tête devant ce que l’Internet génère seconde après seconde. Victimes du 31e stratagème, nous serions le jouet d’un ennemi sans visage qui stimulerait notre crawling (4) chronophage pour mieux nous perdre. Les théories du complot développées sans retenue sur la Toile pourraient nous aider à le croire. Dès lors, la névrose est au coin du bois, l’ennemi est partout. Triomphe des esprits obscurs dont les écrits ne sortaient pas auparavant du cercle de quelques librairies poussiéreuses !
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