Anatomie d'un désastre, l'Occident, l'islam et la guerre au XXIe siècle
Sous le pseudonyme d’une déesse grecque elle-même discrète, l’auteur de ce livre se cache. C’est, dit-il, que son franc-parler va lui créer beaucoup d’ennemis, et de très méchants. On apprend pourtant qu’il est « elle », diplomate haut placée dans les services de renseignement, présentement en poste à Bruxelles, arabisante et islamologue. La bibliographie nous renseigne un peu plus : tous les ouvrages écrits dans sa langue maternelle en ont été supprimés. Comme les titres qui subsistent sont en français ou en anglais, ladite langue peut certes être allemande ou lettone, elle peut aussi être arabe. Redoutable donc, quel est son propos ? L’Occident, bercé par les douces « vulgates médiatiques », n’entend rien à l’islam, au jihad qu’il mène, aux terroristes qui sont à la pointe de ce combat. L’auteur va nous éclairer, c’est un excellent professeur.
On commence par la guerre et ce qu’elle est, au XXIe siècle, devenue : morte, comme chacun sait (1). Les terroristes islamistes la ressuscitent, la Quatrième Guerre mondiale est commencée, que les Occidentaux ne veulent pas voir. Voici le loup terroriste et, face à lui, l’agneau européen et son État déliquescent. « Quiconque veut fonder un État et lui donner des lois doit supposer d’avance les hommes méchants et toujours prêts à montrer leur méchanceté toutes les fois qu’ils en trouveront l’occasion » : la recommandation machiavélienne est à l’exact opposé de nos pratiques politiques ; pas de celles d’Oussama ben Laden, qui n’a point de scrupules et de solides assises pour son entreprise. Le lecteur ne s’attardera pas sur la typologie, confuse, des islamistes divers, retenant seulement que les plus récents de ceux-ci visent à changer les mœurs plus qu’à s’emparer du pouvoir et que leur inculture active et rigoureuse leur assure, mondialisation aidant, une large audience. Ce succès n’est pas étonnant, estime Enyo qui livre ici son idée maîtresse : voir dans « l’islamisme » un dévoiement de l’islam, c’est commettre l’erreur de ceux qui exonéraient le communisme des excès staliniens. La distinction entre bons et mauvais musulmans n’a pas de sens. Dieu est le législateur suprême, il n’est de guerre qu’en son nom, le jihad est « prière en action » et l’islamisation du monde la vraie fin de l’Histoire.
L’islam est un bloc sans faille devant lequel l’Occident ne fait pas le poids, incapable de seulement comprendre ce dont il s’agit. L’Occident ? Il y en a deux, l’américain, qui ne répugne pas à employer la force mais dont l’amateurisme est patent, et l’européen, pour lequel la force, c’est le diable. De l’Europe en voie d’islamisation, l’auteur nous fait un tableau terrible. Elle n’a que ce qu’elle mérite puisque le relativisme est désormais, si l’on ose dire, son credo. Face au néant occidental, l’islam a beau jeu, seul « système de pensée complet » devant le « matérialisme consumériste », dernière « pulsion de vie » et espoir des multitudes.
Les États d’Occident sont donc au pied du mur : vaincre ou mourir. L’auteur se fait stratège, lequel se doit de reconnaître ses ennemis. Les terroristes sont-ils criminels ou soldats ? Ni l’un ni l’autre, répond Enyo, « des criminels de guerre en temps de paix ». Cette qualification justifie à ses yeux, en retour, les pires méthodes : éliminations ciblées, bien sûr, mais aussi destruction de l’image des leaders, fût-ce par trucages télévisés, négation du statut des martyrs par profanation de leurs restes, systématisation des traitements dégradants infligés aux prisonniers d’Abou Ghraïb (sic, p. 354). Le choix de tels moyens met notre stratège en mauvaise posture pour parler des fins et répondre à la question qu’il pose en conclusion. Qui sommes-nous, que voulons-nous ? L’islam sait où il va. L’Occident, pas du tout ! ♦
(1) Le premier chapitre s’intitule « La guerre est morte ». Ce titre est bien connu. L’auteur n’en cite pas l’origine. Peut-être l’ignore-t-elle.