En examinant de près la relation entre la Chine et les États-Unis, l’auteur explore la question des positions stratégiques des puissances régionales et de leur articulation en Asie. Il évalue la combinaison des leaderships possibles et reconnaît à la Chine une centralité stratégique nouvelle.
Chine/États-Unis : un nouveau « duopole de puissance »
China/United States: a new power duopoly?
Close examination of the China-US relationship leads the author to explore the question of the strategic positions of the regional powers and their structural links in Asia. He evaluates the various combinations of possible leaderships, and accords China a new strategic centrality.
La constitution d’entités régionales fortes et, en Asie, d’un grand pôle de puissance asiatique modifiera-t-elle en profondeur la morphologie du système international, préfigurant un duopole émergeant, Chine/États-Unis ? L’assemblage des perceptions de l’Asie autour d’une vision asiatique de la sécurité, affranchie des États-Unis et en compétition avec eux, correspond-il aux équilibres et aux forces à l’œuvre dans l’Asie d’aujourd’hui ? En particulier, à l’évolution de situations dissemblables entre les zones plus dangereuses du continent ? L’objectif était de contrebalancer la puissance américaine et de délivrer le continent asiatique de la mondialisation, comme expression de « l’impérialisme néolibéral », mais également des pressions et des influences géopolitiques et stratégiques d’acteurs extérieurs. Il a poussé, dans un premier temps, à favoriser l’accélération des projets d’unité politique de l’Asie, en adoptant les devises nationalistes des pan-asiatistes du passé, celles notamment des deux principales puissances : le Japon et la Chine.
« Entrer dans l’Asie, pour s’affranchir de l’Occident ! »
Il a été question de songer à un « nouvel axe » consistant à « entrer dans l’Asie pour s’affranchir de l’Occident » (États-Unis, Europe, Australie). Le vieux slogan de Yukichi Fukuzawa, penseur de l’ère Meiji, « quitter l’Asie pour rejoindre l’Europe », visait à séparer à l’époque (1885) l’État-Nation japonais naissant ayant pour modèle l’Europe, de l’Empire céleste de la Chine, centré sur l’espace confucéen. Le but était de créer une réorientation politique de l’ensemble de l’Asie, bref de rééquilibrer le monde. Or, l’idée d’un pôle asiatique reproduisant la vieille dichotomie Orient-Occident (1), monde civilisé-monde barbare, qui avait eu cours dans les perceptions d’une période caractérisée par l’impérialisme européen triomphant, cette idée n’est plus d’actualité et la modernité asiatique revendique aujourd’hui son indépendance par rapport au modèle de modernité occidentale.
Quel pays parmi les trois grands d’Asie, Inde, Japon et Chine, pourrait être aujourd’hui à la hauteur de cette tâche immense et d’un tel leadership ? Le Japon, libéré de toute tutelle extérieure, pourrait reconquérir le rôle de leader dans la zone asiatique, tandis que la Chine se profile déjà comme la matrice originelle et globale de l’univers « civilisationnel » asiatique face au reste du monde. La montée en puissance de la Chine, indépendante de tout conditionnement étranger, peut-elle lui permettre de prendre la tête d’une Union asiatique, à caractère géopolitique et stratégique, en revendiquant face à l’Occident un leadership intellectuel et historique incontesté ? La période actuelle, marquée par un cycle de grandes occasions stratégiques, a permis à la Chine de se hisser, de manière surprenante et durable, aux niveaux les plus élevés de la diplomatie internationale et de revendiquer sans complexe le statut de grande puissance régionale. Ce cumul d’occasions, toutes récentes, mais préparées par des décennies d’efforts collectifs, les Jeux Olympiques d’août 2008, le G20 de Washington de novembre 2008, suivi du G20 de Washington en juillet 2009, a consenti à l’orgueil dissimulé de Chung-Kuô, troisième géant économique mondial, de jouer le rôle d’un acteur essentiel du système pour le sauvetage de la planète financière en crise. Il lui a permis d’en proposer avec prudence les conditions et de ne pas s’en faire dicter les termes.
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