La langue française
Certains seront, j’imagine, un peu surpris, peut-être même choqués, de trouver un article sur la langue française dans une revue intitulée Revue des Questions de Défense Nationale. Il ne manque pas, en effet, de gens à qui leurs études sommaires n’ont laissé que des rancunes contre l’intelligence, et qui refusent hautement de compter les questions de langage parmi celles qui intéressent l’existence même, partant la défense de la nation.
Ne s’est-il pas trouvé naguère deux hommes de lettres qui collaboraient fraternellement, pour oser écrire que l’antiquité est le pain des professeurs ? Bien des hommes, même de lettres, et plus encore de demi-lettrés, pensent que la philologie, pour ne pas dire seulement l’humble grammaire, est le pain des cuistres et le divertissement oiseux de maniaques appelés par dérision « puristes ». On appellerait volontiers « impuristes » ceux de l’autre côté de la barricade.
Ils ne sont pas moins maniaques dans leur genre, mais leur manie est astucieuse : incapables de correction, ils ont adopté la manie commode de l’incorrection et ils tournent en ridicule ce qui passe leur capacité. Ils ne raillent plus, ils montent sur leurs grands chevaux et s’indignent, s’ils voient que l’on prétend continuer à s’occuper de ces futilités quand l’ennemi est à Noyon, ou sur la ligne Siegfried, au contact de la ligne Maginot. Ceux d’entre ces primaires qui ont ouï parler du bas-Empire appellent cela du byzantinisme. Étant, ainsi que tous les primaires, gens à principes, ils justifient leur indifférence par une théorie, qui tient toute dans cette formule, ou plutôt ce slogan : on parle toujours assez bien du moment qu’on arrive à se faire comprendre. Il serait facile de leur répondre qu’on n’arrive jamais à se faire comprendre quand on parle mal ; mais on perdrait son temps : ils sont butés. Et ce n’est point d’ailleurs de ces vaines chicanes qu’il s’agit : il s’agit de la langue française, qui est une des valeurs éternelles de la France.
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