Ces réflexions morales s’inspirent de rencontres avec les sociétés musulmanes orientales que l’auteur a pu côtoyer de l’intérieur (au Tadjikistan et en Oman). Elles permettent d’approcher, avec recul et finesse, la perception de l’Occident par celles-ci.
Renforcer notre dispositif en Afghanistan ?
Increase our troop numbers in Afghanistan?
The thoughts of a moral nature that are expounded in this article, were mainly informed by personal meetings with eastern Muslim societies that the author experienced from the inside (in Tajikistan and in Oman). They offer the chance to better understand the views of the West held by such societies, with less uncertainty and greater refinement.
Il est de mauvais ton et probablement hasardeux, sauf lorsqu’on a l’étoffe intellectuelle et l’indépendance d’esprit d’un Coutau-Bégarie (professeur de stratégie au CID), de critiquer notre engagement militaire aux confins de l’Asie centrale. À contester notre présence sur les flancs de l’Hindu Kush ou à s’interroger sur la nature de nos opérations, on sent déjà un peu le « fagot » et on risque l’excommunication.
Par ailleurs, n’ayant jamais mis les pieds dans ce théâtre et ayant la plus grande admiration pour mes frères d’armes qui y combattent avec bravoure et professionnalisme, je serai mal avisé de fragiliser les fondements de notre cohésion et de faire étalage de mes états d’âme sur la place publique. Ces précautions oratoires prises, il me semble toutefois que les arguments souvent avancés, y compris par mes pairs, afin de justifier le renforcement de notre présence en Afghanistan (dont l’apport humain se limitera dans un premier temps à 80 « formateurs » français détachés au profit de l’Armée nationale afghane) sont tactiquement contestables et moralement biaisés. Il s’agirait, en substance, de mener sur le modèle américain appliqué avec succès en Irak, un surge dans notre zone d’opération, et partant de renforcer notre crédibilité dans la lutte contre le terrorisme international aux côtés de nos alliés. Avec ces considérations essentiellement opérationnelles et diplomatiques, se conjugue, sur le mode émotionnel, la rhétorique des arguments philanthropiques et de la lutte contre la barbarie.
Les limites du sursaut (surge)
À propos du fameux sursaut mis en œuvre par le général Petraeus en Irak, si les renforts consentis par l’armée américaine et le changement de stratégie ont indéniablement été couronnés de succès, cette embellie sécuritaire est temporaire et réversible, comme le souligne lui-même son propre instigateur. Il est hélas indéniable aujourd’hui, et ce malgré l’annonce d’un calendrier de retrait des troupes américaines, que la situation demeure particulièrement critique en Irak, notamment à Bagdad. Hormis un chaos indescriptible, une fragmentation ethnique et confessionnelle accélérée par le suffrage universel, une nouvelle explosion prévisible de violence sur fond de partage des revenus pétroliers entre les communautés et le scandale dévastateur et pérenne des exactions menées dans la prison d’Abou Ghraïb, je ne vois pas très bien ce que l’armée américaine a apporté dans cette région du Moyen-Orient, mais ceci est une autre histoire… Derrière le paravent d’un triomphalisme déclaratoire se cache une déroute stratégique évidente.
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