Pages d'histoire - Georges Clemenceau dans la retraite. Souvenirs et documents inédits
« Clemenceau dans la retraite » : l’auteur de ces lignes ayant indiqué, dans Une Vie parmi d’autres, par quel concours de circonstances il lui fut donné de devenir un familier de la rue Franklin, il juge inutile de revenir sur des contingences assez indifférentes. D’autre part, l’ample correspondance où le vieux Tigre confia quelque temps, à une secrétaire bénévole qui me tenait de près, ses jugements sur les hommes et les choses complétera, le moment venu, ce que d’éventuelles indiscrétions de presse avaient pu révéler à ceux que le « libérateur du territoire » appelait humoristiquement la postérité contemporaine.
Mais y a-t-il, pour une Revue de Défense Nationale, matière plus opportune que l’évocation d’une personnalité exceptionnelle, qui devrait demeurer présente au pays qu’elle a si bien servi ? Sans doute, Clemenceau a ses statues, ses avenues dans bien des villes de France. Une station de métro se trouve désignée par son nom, et des visiteurs dévotieux n’ont pas cessé d’aller en pèlerinage au musée organisé dans la maison de Passy qu’il habita si longtemps, et davantage encore, grâce à des circuits d’autocars, à sa villégiature d’été, ce Bel-Ébat proche de l’Océan où le grand homme méditait, en face des flots, sur des problèmes dépassant les remous de la politique. Mais le grand publie d’aujourd’hui s’est tellement accoutumé à vivre dans l’actualité, et à systématiser les valeurs humaines (comme les autres, sans doute) qui pourraient néanmoins aider à préciser les idées et les sentiments de chacun, que la vénération due aux « héros » semble moins riche d’inspiration que de placide acceptation, comme si, là aussi, opérait la passivité que dénonçait un vers ironique à propos des grands modèles de l’esprit :
Sacrés ils sont, car personne n’y touche !
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