L'auteur, un Américain qui suit de près les affaires européennes, ne peut s'empêcher de ressentir un certain sentiment d'agacement sur la manière dont les Européens, et surtout les Français, lui paraissent méconnaître la réalité de la stratégie américaine en Europe. C'est pour nous une occasion d'avoir un aperçu sur les derniers développements des conceptions qui se font jour aux États-Unis à propos de l'emploi de leurs forces sur le théâtre européen.
L'Air Land Battle et l'engagement américain en Europe
Ces dernières années, on a très souvent mis en cause la stratégie des États-Unis en ce qui concerne la sécurité de l’Europe. La garantie nucléaire donnée par Washington a ainsi été mise en doute et l’on a suggéré qu’on avait remplacé la dissuasion par la bataille, une bataille qui, même si elle était victorieuse, laisserait une Europe en ruines (1). Plus récemment les déclarations du général Rogers ont été l’objet de polémiques, et il en a été de même pour la nouvelle doctrine tactique de l’armée américaine baptisée « Air Land Battle ». La presse française s’est d’ailleurs montrée particulièrement critique. Un hebdomadaire a parlé de l’Air Land Battle 2000 comme de « la stratégie nouvelle qui inquiète l’Europe » (2), et cite un « haut responsable français » qui aurait dit : « Washington est en train de saborder l’Europe en fournissant à nos voisins de mauvaises raisons de refuser à la fois l’augmentation des budgets de défense et les Pershing ». Dans un quotidien, il a été affirmé, à propos des déclarations du général Rogers, que « le corollaire en est l’abandon de tout recours en premier aux armes nucléaires tactiques » (3). Des personnalités ont également manifesté leur inquiétude (4).
D’un point de vue strictement américain, on ne peut qu’être en désaccord avec ces opinions qui tendent à exagérément simplifier un problème extrêmement complexe. On constate en effet que l’on tend ainsi à regrouper quatre affaires distinctes : le concept de l’Air Land Battle tel qu’il est vu par l’armée de terre américaine, les déclarations du général Rogers sur le renforcement des moyens de l’Alliance, le concept de défense de l’Europe mis sur pied par le commandement allié en Europe, enfin les propositions faites pour l’avenir par l’armée de terre américaine sous le nom « Air Land Battle 2000 ».
Pourtant tout ceci ne comporte aucun changement révolutionnaire et dérive de la stratégie de la « flexible response » (5) qui a été adopté par l’OTAN. On ne peut donc en déduire un quelconque changement d’attitude des États-Unis vis-à-vis de l’Europe. L’amélioration des forces américaines en Europe et l’introduction de nouvelles armes dans la panoplie de l’OTAN ne font que renforcer la dissuasion dans le cadre de la doctrine de la riposte adaptée et n’impliquent en aucune façon un abandon de la garantie nucléaire donnée par les États-Unis à l’Europe.
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