À propos des ouvrages d'Olivier Carré et Gérard Michaud, Les Frères musulmans (Gallimard/Julliard, 1983, 236 pages), de Claire Brière et Olivier Carré, Islam, guerre à l’Occident ? (Autrement, 1983, 222 pages) et d'Habib Boularès, L’Islam, la peur et l’espérance (J.-C. Lattès, 1983, 247 pages).
À travers les livres - Trois livres sur l'islam inquiétant
Voici trois livres qui répondent à l’inquiétude, générale en Occident mais sensible aussi chez les musulmans, devant la montée de l’intégrisme (on s’expliquera plus loin sur le choix de ce terme). Leur rapprochement a un autre intérêt : il fait apparaître les divergences des observateurs dans l’interprétation à donner du phénomène. C’est que l’intégrisme se place dans la ligne d’un aggiornamento auquel l’islam aspire de longue date. C’est aussi qu’il s’inscrit dans un renouveau très général de la piété publique. Les trois livres que nous recommandons ici aideront à mieux comprendre ce mouvement complexe, mais il peut être utile d’y préparer le lecteur potentiel par un rappel historique sommaire.
On s’accorde à voir l’origine des mouvements d’idées qui secouent l’islam moderne dans la prise de conscience, survenue à la fin du XIXe siècle, de l’abaissement où il était tombé, abaissement incompréhensible et scandaleux pour le croyant. Pour la majorité des musulmans, la cause du scandale était à chercher dans l’oubli du Message du Prophète ou son détournement pour d’autres, et bien sûr pour les Orientaux non musulmans, il fallait la voir dans l’incapacité à accueillir la modernité rationaliste et scientifique (1). La seconde explication, non incompatible au demeurant avec la première, fut à l’origine de la nahda, renaissance intellectuelle, et d’abord littéraire, qui, de la Syrie à l’Égypte, mêla dans un même enthousiasme musulmans et chrétiens, et où la contribution libanaise fut importante.
La voie du retour aux sources de l’islam était déjà ouverte. Elle l’avait été en Arabie, par l’enseignement de Mohammed ben’Abd el Wahhâb (1703-1792), lui-même disciple de Ibn Taymiyya (1263-1328) et dont le rigorisme trouvera dans la famille Al Sa’ûd le sabre qui l’incarnera dans un régime politique. Cette réalisation concrète d’un État authentiquement islamique exercera une grande influence sur les intellectuels en recherche. On ne manquera pas — avec les précautions qu’imposent la spécificité chiite et le peu de recul dont on dispose encore — de rapprocher le prestige dont jouit l’actuelle révolution iranienne de celui qu’eut à ses débuts le régime saoudien.
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