Les grands problèmes politiques - Constitution et Assemblée : Bilan de l'expérience passée ; Perspectives de l'expérience future
La révision constitutionnelle, qui, lors des crises aiguës de la dernière législature, apparaissait chaque fois comme un remède indispensable, avait sombré dans la fébrile agitation pré-électorale de ses dernières semaines, exclusivement consacrées au laborieux accouchement d’un mode de scrutin acceptable — parce que favorable — à la majorité sortante. Pour les programmes des partis qui la composaient, la révision fut ensuite une commode et inoffensive tête de chapitre. Une fois la nouvelle Assemblée élue, celle-ci aurait dû d’abord définir sur quelle entente, notamment quant au problème constitutionnel, allait pouvoir vivre sa nouvelle majorité : troisième force, flanquée cette fois d’une quatrième. Sans doute, dès son élection, le Président de l’Assemblée nationale croyait-il pouvoir sans danger évoquer la révision constitutionnelle, comme « réclamée d’un accord général ». Mais les problèmes, autrement politiques, de l’école et de l’échelle mobile [NDLR 2023 : des salaires], eurent bien vite fait de révéler que cette majorité, devant se briser à cette occasion, était devenue, en fait, minorité à la suite du ralliement d’un de ses partis aux extrêmes.
Dans ces conditions, la révision de la Constitution eût bien risqué de tomber dans l’oubli des vieilles lunes, si ne s’était produit, dès l’origine de la législature, un fait, inattendu seulement pour ceux qui n’avaient jamais abordé de près le problème constitutionnel. La Constitution, découvrait-on tout à coup, empêchait la France d’avoir un gouvernement. En effet, deux présidents, successivement investis, ne recueillaient pas la majorité constitutionnelle et la France, en période internationale particulièrement troublée, restait, une fois de plus, pendant des semaines sans gouvernement, par la faute exclusive, disait-on, d’un article de la Constitution. Comme si l’impossibilité de grouper une vraie majorité, malgré le forcing de l’apparentement, n’était pas la preuve de l’incoordination des partis qui l’avaient voté, et, en fin de compte, malgré leur resserrement entre deux oppositions affrontées, de leur manque de sens national. Du coup, s’était manifestée une tendance à modifier immédiatement la Constitution sur un point, — et sur ce seul point : supprimer l’obligation de la majorité absolue pour l’investiture. Solution de facilité, dispensant d’aborder les autres problèmes mis en jeu par la Constitution. C’est dans ces circonstances que le président du R. P. F., M. Soustelle, a pu déclarer, dès la fin juillet : « On suggère maintenant, pour sortir de l’impasse, une prétendue révision de la Constitution, qui ne serait qu’un truquage de plus, ayant pour but de faire désigner des présidents du Conseil au rabais par des minorités de faveur. » N’était-ce pas, à l’aurore de la nouvelle législature, un triste présage pour le sort de la révision constitutionnelle ? Au demeurant, bien symbolique de la façon dont sont abordés aujourd’hui les problèmes essentiels de la politique : sous l’angle le plus étroit, à la petite semaine, semaine qui ne serait pas de quarante heures.
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