La politique yougoslave et la guerre
La Yougoslavie est le type des États sortis de la grande guerre et fondés sur l’ethnographie ou, plus exactement, sur le principe démocratique du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et à s’unir selon leurs affinités nationales. Nul souci de ce que l’on appelait, dans la vieille politique, les « frontières naturelles ». Les fragments divers d’un même groupe de peuples, ou, si l’on veut, les divers rameaux d’une même famille ethnique, depuis longtemps séparés, se sont réunis et ont cherché à ne laisser en dehors de leur unité aucun fragment important de leur nationalité consciente.
Ce dernier mot doit être entendu avec toute sa valeur. Nous ne sommes point ici en présence d’un fait d’ordre matériel, d’un fait de « racisme », indépendant de la volonté libre des peuples, mais d’un fait d’ordre spirituel, d’un consentement spontané de certains groupes de population qu’unissaient déjà auparavant de communes origines, une même langue, une même civilisation. Toutefois, dans le cas de la formation du royaume yougoslave, après les grands bouleversements de la fin de la guerre, il n’y eut pas, de la part des différents peuples, expression délibérée ; ce sont les chefs qualifiés qui ont parlé et agi par voie de plébiscite. Les conditions dans lesquelles s’est formé l’État yougoslave expliquent les difficultés qu’il a dû surmonter pour trouver la meilleure forme d’unité nationale.
Observons d’abord, sans exagérer l’importance de ce facteur, que l’aire géographique occupée, dans la partie occidentale de la péninsule balkanique et dans la région danubienne, par le royaume yougoslave, n’a aucun caractère d’unité. Le nouvel État participe à la fois des régions balkanique, danubienne, alpestre et adriatique. Cette variété présente certains avantages au point de vue de l’économie nationale, les États les plus prospères n’étant pas ceux qui ont une unité géographique, mais ceux qui (comme la France) sont formés de régions complémentaires. Mais, du point de vue de la cohésion nationale d’un État nouvellement formé, cela n’est pas sans inconvénients. L’épine dorsale du pays est la masse des montagnes qui se détachent des Alpes et, s’incurvant vers le sud-est, descendent jusqu’à la pointe du Péloponèse. Mais cette chaîne de montagnes très abruptes, qui tombent presque à pic dans la mer Adriatique, rend les communications difficiles entre les ports, qui sont excellents, et les plaines riches de la Drave, de la Save, du Danube et du haut Vardar. Cette dernière région, le Nord de l’ancienne Macédoine, a son débouché naturel à Salonique, tandis que la Serbie proprement dite le trouve plutôt par le Danube et ses affluents de droite. Mais le Danube a une direction divergente par rapport à l’Europe centrale et conduit à la Mer Noire, mer fermée et excentrique. La nature n’aide donc pas à la cohésion nationale et ne favorise pas l’expansion économique de la Yougoslavie.
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