Le Collège de Défense interallié, installé à Paris, dans une aile de l’École militaire, mise à la disposition des Nations atlantiques par le Gouvernement français, a été solennellement inauguré le 17 novembre 1951, en présence du général Eisenhower et d’un grand nombre de hautes personnalités militaires alliées.
L'organisation de la défense atlantique - Inauguration du Collège de défense interallié
M. Georges Bidault, ministre de la Défense nationale, vice-président du Conseil, a prononcé l’allocution suivante :
La France s’est associée sans réserve à la décision des Nations NATO pour créer ce Collège que nous inaugurons aujourd’hui. La France est honorée que sa capitale ait été choisie pour son siège. Le ministre de la Défense nationale a veillé à ce que le Collège fût placé dans un cadre convenant à un tel organisme : il nous est apparu qu’aucun ne serait plus digne que celui de l’École Militaire, bâtiment chargé d’histoire et dont le dessin est dû à un de nos plus grands architectes du xviie siècle.
Les services français du Génie se sont efforcés de vaincre toutes les difficultés pour que salles et bureaux fussent prêts et convenablement disposés pour la date prévue pour l’ouverture du Collège. J’espère que leur disposition à la fois simple, sobre, claire et moderne, donnera satisfaction. J’ai tenu à venir personnellement, pour remettre, en présence du général Eisenhower, des hauts représentants des pays NATO, et des principales autorités militaires de SHAPE, cette partie de l’École Militaire française à la disposition de la communauté Atlantique. Et je profite de cette occasion pour adresser au nouveau Collège NATO, au nom de mon Pays, tous mes vœux pour son succès.
Le Vice-amiral Lemonnier, commandant du Collège, a ensuite défini comme suit ses buts et méthodes.
Je tiens à saluer et à remercier les éminents représentants diplomatiques des douze Nations du Pacte Atlantique, et les très hautes personnalités militaires et civiles des organismes NATO qui ont bien voulu, en venant à cette séance, marquer tout l’intérêt que leur pays et eux-mêmes prennent à la création de ce Collège. Leur présence constitue un encouragement infiniment précieux pour ceux qui auront la charge de la diriger. Je remercie tout particulièrement le général Eisenhower : celui qui a conduit à des victoires retentissantes d’immenses forces alliées, et qui, après avoir tant fait pour gagner la paix, a repris du service pour la préserver, et qui préside aujourd’hui à cet effet à la Direction des Organismes du Commandement Suprême des Forces Alliées en Europe, en y faisant régner un esprit de coopération efficace, apporte ici la réponse aux sceptiques qui, parfois encore, ironisent sur la possibilité de conduire efficacement les Nations dans la voie de la coopération, en paix comme en guerre.
L’ouverture du Collège de Défense NATO marque véritablement une date dans l’Histoire militaire, car s’il existe, dans de nombreux pays, des collèges ou des écoles militaires dont les cours sont suivis par des officiers étrangers, ces collèges restent placés sur des plans nationaux. Pour la première fois, un collège intégralement international appartenant à la communauté de douze Pays, groupe non seulement des officiers, mais aussi des fonctionnaires de ces pays, avec un but tout à fait nouveau, celui de contribuer à établir une doctrine pour l’organisation, dès le temps de paix, de forces interalliées et de former des cadres aptes à préparer et conduire de telles forces.
La création du Collège a été décidée par un accord unanime des Gouvernements NATO, au début de cet été. La notification m’en a été faite en juillet : les cadres ont été désignés en août. Les délais ont donc été courts pour préparer cette session. Il a fallu choisir l’emplacement du collège, installer et meubler bureaux et salles, chercher des conférenciers, des interprètes, du personnel de tout ordre, et mettre au point les sujets d’études. Mais nos instructions étaient de démarrer au plus vite, en dépit des obstacles : notre époque ne se prête pas aux atermoiements. Je suis sûr que tous les membres du Collège apporteront une totale bonne volonté pour que ce collège réponde bien à son but et justifie les espoirs qui sont mis en lui.
L’enseignement sera donné par les méthodes déjà éprouvées dans les collèges de Défense nationale, et adaptées au but qui nous est assigné. Chaque matin, des conférences seront données sur les sujets intéressant l’organisation NATO ; elles seront suivies de discussions auxquelles prendront part auditeurs, conférenciers et instructeurs. L’après-midi, auront lieu des travaux sur des sujets précis, concrets, en Comités de six auditeurs appartenant à des services et à des pays différents. L’instruction sera complétée par des visites dans les pays et aux forces NATO : comprenant des exposés sur place par des personnalités qualifiées.
Ce collège se différencie ainsi nettement des écoles de guerre classiques, d’abord par son côté interallié, et aussi parce qu’il n’y sera pas donné d’enseignement doctrinaire. Nous sommes sur des sujets neufs, les cadres ne seront que les guides. Les conférenciers, choisis parmi les personnalités éminentes ou des experts les plus qualifiés de tous les pays NATO, ne viendront pas imposer des vues, mais informer. Quand on a bien posé les données d’un problème, il ne peut guère y avoir de divergences dans les solutions, tout au plus des variantes. Nous comptons, d’ailleurs, prendre comme devise :
EX VERO POTENS ; La puissance vient de la vérité.
Chaque membre apportera sa contribution, non seulement avec son expérience (il ne faut pas mépriser les leçons du passé), et avec ses connaissances techniques, mais aussi avec son imagination, car nous travaillerons pour l’avenir. Ici, les discussions, les études ne se heurteront pas aux difficultés que peuvent rencontrer les participants des Conférences internationales. Elles n’engagent pas les états-majors nationaux ; elles seront menées, en vue de l’intérêt commun, en toute connaissance des points de vue particuliers, dans la recherche du meilleur rendement des ressources et des aptitudes de chacun au bénéfice de tous.
C’est essentiellement pour préparer dans les douze pays des chefs convaincus de la nécessité de réaliser ce meilleur rendement et aptes à y contribuer, que l’on a créé ce collège. Nous espérons que, grâce à une étude raisonnée des techniques interalliées, grâce à la connaissance des problèmes particuliers de chacun, ce collège contribuera à éviter la répétition des erreurs, des malentendus, des particularismes, des divergences de doctrines qui ont eu des conséquences si funestes dans le passé, et qu’ainsi sa création sera payante pour les Nations NATO. En résumé, nous nous habituerons à penser et à travailler en commun, avec le sens de l’équipe, pour que demain chacun de nous, convaincu de la nécessité de concilier les intérêts nationaux avec l’intérêt général, contribue, là où il sera, de toutes ses forces, de toute son âme, à rendre plus efficace, plus solide, cette organisation NATO, étape sur la route des Nations Unies.
Nous sommes fiers, dans ce collège, de contribuer au développement dans les élites de nos Pays, de « l’esprit de coopération », car, si les connaissances techniques doivent rester à la base de nos doctrines, celles-ci n’auront de vertu que si elles sont vivifiées par le souffle de l’esprit. Et nous pensons que la tâche qui nous a été donnée sera plus sûrement atteinte si, à la fin de ces cours, tous ceux qui les auront suivis, sont unis, comme je l’espère, par les liens précieux de l’amitié.
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Rappelons que le Collège dépend directement, d’une part du Comité militaire de l’Atlantique Nord, et d’autre part du Conseil des Suppléants, Organisme Permanent du Conseil Atlantique. Sa Direction est assurée, sous l’autorité d’un officier général commandant, par trois instructeurs en chef appartenant aux trois services et à trois pays différents, et un instructeur en chef appartenant à une Administration non militaire. Ces instructeurs en chef sont assistés de neuf instructeurs militaires appartenant aux différents services et d’un instructeur appartenant à une administration civile. ♦