Le corps d'officiers de l'URSS
Les victoires remportées sur les armées allemandes par l’U. R. S. S. ne peuvent s’expliquer, malgré la supériorité numérique du côté soviétique et l’aide matérielle apportée par les Anglo-Américains, que par la valeur du commandement et des cadres dont celui-ci disposait. Il est donc intéressant de voir comment ces cadres ont été formés pendant la période qui a séparé les deux guerres mondiales, et ce qu’ils sont devenus depuis.
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Après les mouvements révolutionnaires de 1905, le Gouvernement tsariste avait senti la nécessité de combattre la propagande antigouvernementale. Des commissions composées de notabilités civiles et militaires avaient précisé les moyens à employer, mais pratiquement rien n’avait été réalisé. Aussi, quand en mars 1917 éclata la première révolution qui amena l’abdication du tsar, les officiers se montrèrent incapables de tenir tête aux propagandistes. Le général Broussilov l’a déclaré dans ses souvenirs, et j’en ai personnellement recueilli l’aveu de nombreux officiers au cours de ma mission de 1917-1918 en Russie. Le corps d’officiers perdit vite de son prestige. La propagande défaitiste et révolutionnaire montrait l’officier comme « le barine en uniforme », a écrit le général Broussilov. Elle décomposa très rapidement l’armée, si bien que celle-ci ne voulait plus se battre. Des centaines de milliers de soldats étaient illégalement absents parce qu’ils tenaient à être dans leur village quand on partagerait les terres. Des divisions, des corps d’armée entiers refusaient de monter en ligne. Dans la plupart des régiments, les officiers n’avaient plus aucune autorité. À la veille de la révolution bolchévike, 40.000 avaient été renvoyés par leurs soldats et les assassinats avaient été nombreux, surtout dans la marine. Après cette révolution, leur sort devint pire encore : nouveaux renvois, officiers remis soldats sur place et astreints à des corvées humiliantes, meurtres fréquents. Une démobilisation désordonnée entraîna une décomposition totale. En même temps, la guerre civile éclatait en Ukraine, en Finlande, dans les territoires cosaques du Don et du Kouban, au Caucase, au Turkestan, en Sibérie. Rouges et Blancs furent obligés de mobiliser, outre leurs partisans volontaires, des classes entières de recrutement. Très peu d’officiers de l’armée tsariste s’étant déclarés en faveur du gouvernement bolchevik, celui-ci donna des commandements, même de grandes unités, à des hommes qui n’y étaient nullement préparés, mais qui faisaient preuve de courage et de décision. Pour les doubler de conseillers capables de les orienter, on mobilisa d’office de nombreux officiers tsaristes, et on plaça près de ceux-ci des commissaires, membres sûrs du parti communiste, pour contrôler leur conduite. Lénine l’a officiellement déclaré : « Sans le concours de ces officiers de carrière, l’armée rouge n’aurait pas pu obtenir les victoires qu’elle a remportées ». En même temps, on avait organisé la préparation d’officiers subalternes par des cours hâtifs groupant les candidats dans des unités spéciales.
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