La petite histoire militaire - Rabelais, écrivain militaire
On pourrait prendre Rabelais pour le type même de l’homme d’étude qui vit claquemuré dans sa bibliothèque et reste foncièrement étranger aux questions militaires. Il n’en est rien, et, s’il vivait de nos jours, Rabelais serait au premier rang de ceux que les problèmes de la défense nationale ne laissent pas indifférents.
Il a peut-être même écrit un ouvrage sur l’art militaire. Du moins, le bibliographe Du Verdier, qui vivait au dix-septième siècle, affirme que Rabelais coucha sur le papier, en latin, le fruit de ses longs entretiens avec Guillaume du Bellay, seigneur de Langey, de l’illustre et puissante famille du Bellay, un des plus éminents hommes de guerre du XVIe siècle. Ce texte latin aurait été traduit en français, en 1542, par Claude Massuau et publié à Lyon, sous le titre de Stratagèmes de guerre du preux et très célèbre chevalier de Langey, au commencement de la tierce guerre césarienne (c’est-à-dire la troisième guerre contre l’Empereur, en 1541). Cette sorte de mise en œuvre des « interviews » d’un chef d’armée, à la façon de Liddell Hart, aurait été bien intéressante à connaître pour l’histoire de l’art militaire, peut-être aussi pour les réflexions qu’elle pourrait suggérer. Malheureusement aucune bibliothèque n’a, jusqu’à présent, révélé la moindre trace de la traduction française de Claude Massuau, pas plus que de l’original latin de Rabelais.
Mais la grande œuvre, Gargantua et Pantagruel, nous reste et est assez riche de substance. L’essentiel des idées de Rabelais qui peuvent nous intéresser, se trouve dans la « Guerre Picrocholine » qui occupe les chapitres XXV et LI de Gargantua. Toutefois, avant d’en aborder l’étude, nous croyons utile de la replacer dans l’œuvre du grand écrivain et de suivre l’évolution intellectuelle qui l’a amené à traiter des questions militaires d’une façon très sérieuse sous des dehors plaisants.
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